Un collier pour le diable
à se relever.
— Cela a été trop long ! Pardonnez-moi et recevez mes remerciements. À présent vous allez dormir… dormir longtemps pour vous reposer de l’effort fourni… Sérafina !
Comme si elle n’avait attendu que cet appel pour paraître, une femme blonde d’une grande beauté, élégamment vêtue d’une robe de faille du même bleu que ses yeux, entra. Elle alla vivement jusqu’à Judith que Cagliostro soutenait et se substitua à lui, cependant que son regard examinait curieusement le chevalier.
— Voici ma femme, la comtesse de Cagliostro, présenta le mage. Elle aime beaucoup Judith et la soigne comme une sœur aînée. À défaut de moi, ajouta-t-il avec un sourire, vous pouvez lui faire entière confiance. Emmenez-la, Sérafina, et veuillez la coucher. Elle est très fatiguée…
Soutenue par la comtesse, sur l’épaule de laquelle s’appuyait sa tête, Judith quitta la pièce sans un mot, sans un geste à l’adresse de Gilles qui la regarda sortir avec un mélange de douleur et de colère.
— Vous gagnez, n’est-ce pas ? fit-il amèrement à l’adresse de Cagliostro. J’étais pourtant décidé à ne repartir qu’avec elle…
— Je ne gagnerai pas toujours, dit l’Italien gravement. Un jour vous et elle serez réunis à tout jamais. Cela je peux vous l’assurer. Mais le temps n’est pas encore venu… loin de là ! Il vous faudra beaucoup de patience… beaucoup d’amour aussi !
— Qui m’oblige à vous croire ?…
— Rien ni personne. Le destin se chargera de vous convaincre. Asseyez-vous, maintenant, et acceptez un verre de vin d’Espagne, vous en avez besoin pour entendre ce que j’ai à vous dire concernant les bijoux de la Reine ou plutôt certain bijou que vous connaissez bien !…
Gilles accepta le siège et le vin dont la chaleur le réconforta. Malgré la douceur de ce soir de printemps, il se sentait glacé jusqu’à la moelle des os. Curieusement, il craignait à présent de poser la question que les dernières paroles du thaumaturge suscitaient naturellement. Mais il n’était pas homme à demeurer longtemps sur une impression de crainte.
Vidant d’un trait le précieux verre vénitien gravé d’or, il le reposa.
— Que je connais bien ? reprit-il. Ne me dites pas qu’il s’agit de ce damné collier de diamants ?
— Mais si… c’est bien de lui qu’il s’agit. Vous n’avez pas pu apprendre dans votre hermitage que Boehmer et Bassange avaient enfin vendu l’encombrant objet. La chose devait en effet demeurer très secrète…
— La Reine aurait donc finalement répondu par l’affirmative ? Elle a levé l’option qui expirait en janvier ?
— C’est ce que croit Boehmer. En fait, la Reine ignore complètement qu’elle a acheté le collier !
Gilles fronça les sourcils.
— Vos propos me semblent obscurs, Monsieur le Sorcier ! Comment cela est-il possible ? Comment la Reine aurait-elle pu acheter, sans le savoir, un collier de seize cent mille livres ?
— De la façon la plus simple du monde. C’est le cardinal de Rohan qui l’a acheté pour elle.
— Le cardinal ? Il a donc vu la Reine, fait la paix avec elle ?
— Je me tue à vous dire que la Reine ignore tout ! fit Cagliostro avec impatience. Le cardinal a acheté le collier au nom de la Reine parce qu’il croit, dur comme fer, que la Reine l’en a chargé. Voyez-vous, depuis certaine nuit du mois d’août l’an passé… depuis certaine rencontre dans les jardins de Versailles, le cardinal est intimement persuadé qu’il est devenu l’ami… le tendre ami de la Reine. Avez-vous oublié le Bosquet de Vénus, chevalier ? Il me semble pourtant que vous y étiez !
— Il faut que vous soyez le Diable pour savoir cela ! C’est vrai, j’y étais ! Mais je n’ai vu qu’une assez pauvre comédie ; jouée pour amuser la Reine, une comédie où l’on s’est beaucoup diverti à voir un grand Aumônier de France baiser en tremblant les pieds d’une catin !
— Si vous voulez vivre à l’air libre au lieu de pourrir sur la paille d’une prison tout le reste de vos jours, seigneur Gerfaut, je vous conseille d’oublier que la Reine était alors spectatrice ! Quoi qu’il en soit, le cardinal a tout avalé, l’appât, l’hameçon et même la ligne. Il est persuadé que la Reine l’aime d’un tendre amour, qu’elle n’attend que l’occasion propice pour déclarer hautement, à la face de tous, que non seulement elle ne
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