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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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baissa pour le ramasser.
    C’était un portrait de Cagliostro, levant au ciel un regard inspiré et dominant une légende composée de quatre vers :
     
    « De l’ami des humains reconnaissez les traits
    Tous ses jours sont marqués par de nouveaux bienfaits
    Il prolonge la vie, il secourt l’indigence
    Le plaisir d’être utile est sa seule récompense… »
     
    Avec un haussement d’épaules agacé, il froissa le papier et le rejeta au sol. « Drôle de bonhomme en vérité ! pensa-t-il. Esprit surhumain ou charlatan rusé ? Cette grossière publicité était tout juste bonne pour les faibles d’esprit. Pourtant cet homme semblait doué de pouvoirs étranges, qui eussent dû l’en dispenser, et possédait les secrets des rois… Où était la vérité ? »
    Remettant à plus tard l’examen de la question, le jeune homme enfourcha son cheval, en voltige suivant sa vieille habitude, piqua des deux et s’élança au galop en direction de la barrière de la Conférence et de la route de Versailles, où il voulait en effet rentrer ce soir même. Après tout ce qu’il venait d’entendre, il lui était impossible d’aller s’enfermer dans une chambre d’hôtel. La chevauchée dans la fraîcheur du soir lui ferait du bien et l’aiderait à débarrasser son esprit des miasmes étouffants que lui avait fait respirer le sorcier de la rue Saint-Claude. Il avait besoin d’air pur, des reflets de la Seine, de l’odeur des roses dans les jardins au long de la route. La terre, gorgée d’eau durant les inondations, avait fini par faire jaillir un printemps tardif mais foisonnant.
    Il était près de minuit quand il atteignit les faubourgs de la ville, après un parcours qui lui avait paru incroyablement rapide, tant il s’était absorbé dans ses pensées. Si Cagliostro avait pu lire dans sa pensée tandis qu’il galopait au rythme joyeux des sabots du cheval, il eût peut-être éprouvé quelque surprise car le jeune homme n’avait rêvé que de cet instant où il irait lui réclamer celle qu’il aimait, et des moyens d’arriver à cette minute éblouissante.
    Or, tandis que, passé la barrière de la Conférence, il courait le long du fleuve longeant le village de Passy, il avait vu briller dans la nuit, au-delà des jardins de la princesse de Lamballe, les lumières du magnifique hôtel de Valentinois, propriété du financier Leray de Chaumont, dont la fortune et les navires avaient si puissamment aidé les Insurgents d’Amérique. Là, il le savait, logeait encore l’homme dont la parole avait su galvaniser toute une jeunesse et sceller l’union de la vieille France et des jeunes États-Unis, l’homme que des deux côtés de l’Atlantique on révérait maintenant comme un prophète et un génie : Benjamin Franklin !
    D’après Philippe de Chartres qui entretenait avec lui les meilleures relations, Franklin, sa tâche terminée, s’apprêtait à quitter la France pour rentrer à Philadelphie, tandis qu’arriverait le nouvel ambassadeur des États-Unis Thomas Jefferson. Pourquoi ne pas essayer de partir avec lui ?…
    En arrivant rue de Noailles, Gilles n’avait pas encore trouvé de réponse satisfaisante à cette importante question mais il ne s’en tourmentait pas outre mesure. L’espoir du bonheur, c’est déjà une joie suffisamment enivrante…
    Il trouva Pongo au bas du perron et lui jeta la bride de Merlin.
    — Ne me dis pas que tu étais inquiet, vieux père nourricier. Tu sais bien que je me porte à présent comme un charme…
    — Pongo pas inquiet pour santé. Pongo inquiet à cause de femme qui attend là-haut ! Pongo pas aimer…
    — Une femme ? Comment est-elle ?
    — Difficile savoir : elle porte grand voile bleu. Mais Pongo pas aimer tout de même…
    Ainsi, Mme de Balbi savait déjà son retour ? À quelle surveillance avait donc été soumis le paisible pavillon de la rue de Noailles ?…
    Elle était là, en effet, debout près de la cheminée du salon où Mlle Marjon avait remplacé les flammes du foyer, que la douceur du temps rendait inutiles, par un feu d’artifice de genêts dorés. Elle était vêtue exactement comme au soir de leur première rencontre, mais le voile bleu était abandonné sur un fauteuil et, au bout de ses doigts fins, un petit éventail d’ivoire battait une mesure paisible.
    Une mesure qui ne s’accéléra qu’imperceptiblement lorsque le chevalier pénétra dans le salon et offrit à sa visiteuse un salut

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