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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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n’être pas aveugle.
    — Où as-tu volé ça ? s’écria-t-il.
    Instantanément Gilles fut debout, s’assurant la supériorité de la taille car il dépassait le comte d’un bon tiers de tête.
    — Si tu veux que nous poursuivions cet entretien plus avant, tu vas me faire le plaisir de retirer ce mot-là ! ordonna-t-il froidement. Mais Axel, emporté par la colère qui bouillonnait en lui, était déjà au-delà de tout raisonnement lucide.
    — Pourquoi le retirerais-je ? ricana-t-il. Après tout ce ne serait pas la première fois que tu volerais quelque chose !…
    Cette fois Gilles blêmit. Les ailes de son nez se pincèrent cependant que son regard bleu prenait la teinte minérale d’un glacier sous la lune. Aucune fureur ne l’habitait cependant mais une sorte de froid intérieur qui, à cet instant, engourdissait ses sentiments. Il savait que quelque chose était en train de mourir, que l’amitié peut-être allait s’achever là stupidement et qu’il en souffrirait sans doute plus tard mais, pour l’heure présente, il refusait de s’y arrêter.
    — J’ai en effet volé cette lettre, déclara-t-il calmement, je l’ai volée à l’homme qui venait de se la faire remettre par sa complice, à un prince dont je ne suis pas certain de l’identité mais qui s’apprêtait à en faire un usage désastreux pour la Couronne. Et comme c’était pour la rendre à son auteur, ce vol ne m’était pas apparu si coupable…
    Fersen haussa les épaules avec rage.
    — Un prince, maintenant ! Et un prince inconnu ! Comme tout cela est vraisemblable ! Je t’ai connu plus inventif.
    Gilles serra les poings, s’efforçant de garder son calme jusqu’au bout.
    — Et moi je t’ai connu plus intelligent ! Que tu refuses d’admettre tes relations… anormales avec la Reine, relations qui offensent aussi bien la majesté royale que l’honneur d’un homme qui t’a comblé de bienfaits… et qui continue, si j’en crois le don que l’on te fait pour acheter le
    Royal-Suédois, que tu refuses de les admettre, dis-je, c’est après tout assez naturel. On n’avoue pas ces choses-là, même à un ami ! Mais je pensais que tu comprendrais mon intention en venant ici. Ce que j’ai fait, je l’ai fait par amitié ; par reconnaissance pour tout ce que je te dois,… par devoir aussi envers le Roi. Alors, réponds-moi, veux-tu oui ou non entendre tout ce que j’ai à te dire… et renoncer à ce rendez-vous qui serait une folie ?
    — Non ! Cent fois non ! Je ne veux pas entendre un mot de plus sur ce sujet, hurla Fersen fou de rage, aveuglé par la colère que lui faisaient éprouver les paroles trop véridiques du jeune homme, et je ne veux plus t’entendre prononcer une seule fois un nom trop sacré pour traîner dans la bouche d’un damné bâtard !
    Le poing de Tournemine partit comme une catapulte, atteignit en pleine figure le Suédois qui s’écroula comme une masse en émettant un vague hoquet à l’instant précis où la porte, en s’ouvrant, livrait passage à la plus parfaite des gravures de mode…
    Vêtu avec une élégance extrême d’un frac à l’anglaise en drap fin rayé de bleu et de gris, culotte grise et bas de soie rayée assortis au costume dont le haut col encadrait la cravate de mousseline blanche artistement nouée, manchettes immaculées de batiste plissée, coiffé, comme un palais de son fronton, d’un grand chapeau noir, relevé devant et derrière à l’« androsmane » avec au bout de ses doigts gantés une longue canne d’ébène à pommeau d’or dont il avait en entrant poussé la porte mal fermée, Armand de Gontaut-Biron, duc de Lauzun, effectuait une entrée qui était une manière d’œuvre d’art elle aussi, mais dont la majesté subit tout de même quelques dégâts quand le corps du Suédois lui arriva pratiquement sur les pieds.
    Il le considéra un instant, dégagea ses admirables souliers à boucle d’argent et reporta son attention sur l’autre visiteur occupé à rajuster un uniforme un peu débraillé par la violence du geste.
    — On dirait que je dérange, hé ? dit-il du ton affecté qui venait d’être mis lui aussi à la mode. Heureux de vous revoir, Tournemine… et de vous revoir sous ce plumage ! Lieutenant aux Gardes du Corps, hein ? Et l’on vous dit en grande faveur auprès du Roi… ainsi d’ailleurs que je vous l’avais prédit, souvenez-vous ! Belle promotion néanmoins ! Votre carrière s’annonce

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