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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’échelle de la grandeur d’un trône, Gilles se prenait à détester Marie-Antoinette, femme avant d’être reine, à cause de l’écrasante responsabilité qu’elle lui faisait inconsciemment porter.
    Il réfléchit longuement à ce qu’il convenait de faire et lorsque, à sept heures du matin, les Gardes de la Porte vinrent relever la Compagnie Écossaise, sa décision était prise : il fallait restituer la lettre à Fersen mais en l’obligeant à regarder en face les conséquences possibles de sa conduite ; en lui faisant comprendre, par tous les moyens, la vilenie de sa conduite envers celui dont il souhaitait devenir le serviteur à part entière et qui, par sa générosité, lui en donnait même les moyens.
    — Cent mille livres ! grommelait Gilles bouillant de colère, cent mille livres et encore vingt autres mille livres de pension annuelle ! Et qu’est-ce que monsieur le comte de Fersen va offrir en échange à Sa Majesté le roi Louis, seizième du nom ? Une vie de dévouement, un respect et une admiration totals ? Allons donc ! Une paire de cornes !… Et cela se dit gentilhomme !… Ayant ressassé cela toute la nuit, il était encore si furieux en rejoignant l’hôtel des Gardes du Corps, qu’il ne sentait aucune fatigue.
    Avec la sensation d’entrer dans un bain calmant il y trouva Pongo drapé dans un grand tablier blanc, aussi frais que s’il n’avait pas galopé une partie de la nuit et occupé à étaler sur une nappe propre le déjeuner qu’il était allé chercher à l’auberge voisine et qui se composait d’une noix de veau à l’oseille, d’artichauts frits et d’échaudes accompagnés de cerneaux de noix.
    Il accueillit son jeune maître avec le large sourire d’un homme content de son travail. Mais celui-ci considéra la table d’un œil sévère.
    — Pourquoi n’as-tu pas mis ton couvert ? Quand nous ne sommes que nous deux, il n’y a aucune raison pour que nous ne mangions pas ensemble. Tu es mon frère d’armes, pas mon valet !
    Avec l’air bienheureux qu’il prenait chaque fois que Gilles, en mettant l’accent sur leur passé commun, lui rendait sa place de guerrier, Pongo compléta prestement le couvert et les deux hommes s’installèrent l’un en face de l’autre.
    — Alors ? fit Gilles en attaquant son veau à l’oseille tandis que Pongo remplissait les verres de rubis liquide avec une générosité qui indiquait clairement le goût qu’il avait pris pour les vins de France, tu as retrouvé le fiacre n o 12 ?
    Pongo fit signe que oui, puis ajouta :
    — Voiture jaune entrée dans Paris, pris le grand chemin où mur être construit 3 , roulé longtemps jusqu’à petite rue donnant sur grand chemin.
    — Tu as pu savoir le nom de la rue ?
    Le sourire de l’Indien s’élargit jusqu’à lui couper la figure en deux parties presque égales.
    — Pongo tout savoir. Rue Neuve-Saint-Gilles au Marais, numéro 10, déclara-t-il après avoir tiré de sa vaste poche un petit papier couvert d’une écriture enfantine. Dame s’appeler comtesse de La Motte-Valois. Habite là avec époux, vieille cousine et homme de plume avec ridicule chapeau noir.
    – Tu veux dire que ce jeune homme qui était avec elle dans la voiture est un écrivain ?…
    — Non, pas écrivain. Lui écrire lettres pour la dame.
    — Son secrétaire alors ? Voilà qui est bizarre ! Cette femme qui n’a pas de voiture personnelle peut s’offrir un secrétaire ? Au fait, comment as-tu pu savoir tout cela ?
    — Causé avec homme qui allume et éteint lumières dans rue. Homme aimer beaucoup vin blanc et cabaret pas loin !
    Gilles se mit à rire et remplit de nouveau le verre de son précieux serviteur.
    — Tu l’as emmené boire un pot ? Et il n’a pas eu peur de toi ?
    Les épais sourcils noirs de l’Iroquois s’arrondirent, épousant parfaitement la forme de ses yeux assez semblables à des billes d’agate.
    — Peur ? Pourquoi ? Pongo dire être serviteur grand seigneur espagnol amoureux de dame. Donner argent et homme-lanterne très content, dire même Pongo nom jolie camériste : « Rosalie Brissaut »…
    — Comment sais-tu qu’elle est jolie ? Tu l’as vue ?
    — Oui. Sortait pour aller église… très, très jolie !
    Et les mains de Pongo esquissèrent la forme d’un corps féminin aux appas exubérants, tandis que la mine de leur propriétaire virait à l’extase.
    — Je vois ! soupira Tournemine. Juste ce que tu

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