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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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été courte, mais tout empreinte de gravité. Lancastre avait résumé clairement l’opinion anglaise, à savoir que le roi de France s’accrocherait à la Guyenne aussi longtemps qu’il le pourrait et ne la restituerait qu’à des conditions extrêmement avantageuses pour les Français. En outre, Philippe le Bel se considérait en position de force (les autres envoyés en étaient amèrement convenus) et avait l’intention de mettre sur pied un projet grandiose dirigé contre Édouard. Se moquant ouvertement d’eux, il avait insinué, de façon inquiétante, qu’il était au courant de la présence d’un traître au sein même du Conseil d’Édouard. Son allusion à la mort de Fauvel et à l’attaque sur la route de Beauvais n’avait fait que retourner le fer dans la plaie. Les compagnons du comte de Lancastre avaient réagi à ses paroles selon leurs tempéraments respectifs : Richemont avait été troublé, Eastry avait calmement déclaré qu’ils avaient fait leur possible et devraient s’en repartir tandis que Waterton était resté silencieux, impatient, apparemment, de s’en aller. Lancastre, à la fin, les avait priés de le laisser seul avec Corbett ; il avait soigneusement refermé la porte avant d’aborder le sujet :
    — Je ne vous aime guère, Corbett, vous êtes trop secret, trop réservé. Bien que vous n’ayez aucune expérience de la diplomatie, mon auguste frère vous a envoyé ici ; de toute évidence, avait-il ajouté d’un ton acerbe, il vous fait confiance, bien plus qu’à moi !
    Voyant Corbett le fixer sans mot dire, il avait poursuivi :
    — Je suppose que vous êtes chargé de démasquer le traître ; dans ce cas, je vous suggère de vous mettre à l’oeuvre !
    — Et si c’était le cas, avait sarcastiquement répliqué Corbett, par où me conseilleriez-vous de commencer ?
    — Eh bien, avait répondu sèchement le comte, vous pourriez continuer à nous surveiller, comme moi je vais continuer à vous surveiller !
    — Et ensuite ?
    — Trouvez le meurtrier de Poer et de Fauvel !
    Corbett aurait bien aimé que le comte lui dît comment, mais Lancastre lui avait déjà tourné le dos, mettant fin à l’entretien.
    Et c’est ainsi que Corbett, accompagné d’un Ranulf toujours aussi disert, arpentait rues, ruelles et venelles de Paris. Ils avaient pu recueillir des renseignements sur Poer et Fauvel. Très peu sur le premier : une courte description de l’homme et le nom de la taverne qu’il fréquentait ; enfin, après bien des recherches et d’innombrables questions et regards méfiants suscités par son accent, Corbett avait retrouvé l’estaminet. Ce qui ne l’avait pas mené bien loin ! Le tavernier, trapu et laid, lui avait dépeint, d’un air renfrogné, un individu répondant au signalement de Poer qui avait bu et mangé dans son établissement ce soir-là ; non, personne ne l’accompagnait ; personne n’était parti avec lui ; personne ne l’avait suivi et seul un mendiant cul-de-jatte avait quitté l’endroit à peu près au même moment. Corbett avait essayé d’en savoir plus, mais le tavernier s’était détourné, les sourcils froncés, et avait craché par terre.
    Corbett avait alors décidé de se rendre au logis de Fauvel, et Ranulf et lui se frayaient, à présent, un chemin dans la foule qui se pressait le long de la Seine en attendant les bateaux chargés des produits des campagnes environnantes. Ils traversèrent l’un des grands ponts et parcoururent les ruelles tortueuses derrière la dentelle de pierre de Notre-Dame. Ranulf harcela Corbett de questions, mais devant le mutisme de son maître il se réfugia dans un silence buté. Ils trouvèrent enfin la rue de Nesle, une voie étroite dont les eaux grasses coulaient au milieu dans une profonde rigole. Les maisons aux poutres noires, aux murs chaulés et sales, se blottissaient les unes contre les autres, et avaient deux ou trois étages en encorbellement. Leurs fenêtres, aux vantaux de bois, étaient dotées de carreaux le plus souvent en corne et plus rarement en verre teinté. Corbett trouva la demeure qu’il cherchait et frappa à la porte maculée de boue. Il y eut un bruit de clés et la porte s’ouvrit violemment sur une matrone à l’air arrogant et vêtue d’un ample habit de futaine ; la bouche en cul-de-poule, elle s’adressa au clerc :
    — Qu’est-ce que c’est ?
    — Je suis anglais ; je cherche...
    — Je parle anglais,

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