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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’interrompit la femme. Je suis du Devon, feu mon mari était marchand de vins de Bordeaux. À sa mort, j’ai transformé une partie de la maison en logements pour les Anglais qui viennent à Paris. Je suppose poursuivit-elle d’une voix haletante, que vous êtes là à cause de Messire Fauvel, n’est-ce pas ?
    Corbett sourit :
    — Bien sûr, Madame. J’aimerais avoir des renseignements sur sa mort.
    Il crut qu’elle allait leur proposer d’entrer, mais elle s’appuya contre la porte avec un haussement d’épaules.
    — Je ne sais pas grand-chose.
    Elle désigna la rue boueuse :
    — On l’a retrouvé là, la gorge transpercée d’un coup de poignard.
    — Rien d’autre ?
    — Non, répondit-elle en dévisageant Corbett, puis Ranulf qui la couvait d’un regard concupiscent.
    Elle rougit devant le sourire franc et admiratif de ce dernier et perdit le fil de son discours.
    — Il n’y avait rien, bégaya-t-elle, à part les pièces !
    — Quelles pièces ?
    Elle indiqua le sol.
    — Quelques sous, pas grand-chose, qui étaient par terre, là !
    — Ils étaient tombés de son escarcelle ?
    — Non, de sa main, comme s’il avait été sur le point de les donner à quelqu’un.
    — A qui ?
    — Je ne sais pas ! répondit-elle aigrement, un mendiant probablement.
    — Ah !
    Corbett poussa un long soupir.
    C’était fort possible, pensa-t-il, fort possible. Il ne savait pas pourquoi Fauvel et Poer étaient morts ou qui avait ordonné leurs assassinats, mais il devinait comment et par qui ils avaient été tués. Il se retournait en marmonnant des remerciements quand la femme le rappela :
    — Monsieur , si vous avez besoin d’un logement...
    Corbett hocha la tête en souriant. Lui ne reviendrait pas, mais Ranulf oui... à en juger par sa mine expressive.
    Corbett retourna auprès des envoyés ; il était presque certain de savoir ce qui était arrivé à Poer et à Fauvel, bien que ce ne fût que des hypothèses, de l’intuition raisonnée. Mais même s’il avait deviné juste, il ne pouvait pas tirer grand-chose de ce renseignement ; il lui fallait attendre. Il décida donc de reporter toute son attention sur ses compagnons. En ce qui concernait Lancastre et Richemont, il les laissait plutôt de côté. Eastry était d’un abord très froid et passait le plus clair de son temps dans sa petite chambre, aussi Corbett concentra-t-il sa surveillance sur Waterton. Ce dernier s’était avéré brillant clerc ; son compte rendu de la rencontre avec le roi de France révélait un esprit méthodique et logique. Par courtoisie, Anglais et Français avaient échangé les minutes de l’entrevue du Louvre, et Philippe IV avait été si impressionné par le travail du clerc anglais qu’il lui avait fait présent d’une bourse d’or.
    Pourtant Waterton intriguait Corbett. De nature discrète et dissimulée, il s’éloignait de ses compagnons à la moindre occasion et sortait, quand on n’avait pas besoin de ses services, pour ne revenir qu’au petit matin. Corbett ne voyait là rien de suspect, car Paris et ses lieux de plaisirs offraient de bien grandes tentations, mais, au fur et à mesure que passaient les jours, Waterton se montrait de plus en plus renfermé. Corbett nota également que les officiers et messagers français qui venaient les voir prenaient bien soin de s’enquérir de la présence de Monsieur Waterton ; ils lui apportaient parfois des cadeaux et même, un jour, Corbett crut voir l’un d’eux lui glisser un parchemin.
    Corbett ordonna finalement à Ranulf de prendre le clerc en filature lors d’une de ses expéditions nocturnes, mais son serviteur revint, l’oreille basse.
    — Je l’ai suivi pendant un moment, soupira-t-il avec lassitude, mais des ivrognes m’ont entouré et ont commencé à me bousculer et à se moquer de moi, en voyant que j’étais anglais. Le temps de me débarrasser d’eux, Waterton s’était envolé !
    Ses soupçons confirmés, Corbett décida d’interroger Waterton.
    Il attendit le moment propice : un dimanche après la messe. Le clerc était seul dans sa chambre exiguë et sans fenêtre, assis à une table et rédigeant une lettre, entouré de rouleaux de parchemin, de pierres ponces, de plumes et d’encriers. Après s’être excusé, Corbett se mit à parler de tout et de rien, du temps qu’il faisait, de la récente entrevue avec les Français et de la date éventuelle de leur retour en Angleterre. Waterton se

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