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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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pour leur fournir un logis accueillant ! Les pièces étaient d’une saleté repoussante et les cuisines retentissaient constamment des plaintes des marmitons aux prises avec de nouvelles difficultés.
    Le dîner était toujours un moment lugubre : Lancastre fixait les plats d’un oeil mauvais ; Richemont, selon son humeur, était soit silencieux, soit ennuyeux comme la pluie quand il racontait, avec force détails et rodomontades, sa campagne de 1295 en Guyenne qu’il avait si mal menée et qu’il passait son temps à se justifier. Quant à Eastry, après avoir récité le bénédicité, il mangeait délicatement la nourriture souvent suspecte sous les sauces et les épices, et gardait ses réflexions pour lui. Waterton avalait rapidement son repas et prenait congé aussitôt que le permettaient les convenances. Il n’en alla pas autrement ce soir-là. Waterton fit un petit salut à Corbett, s’inclina devant Lancastre, comme d’habitude, et sortit.
    Corbett lui emboîta le pas peu après, prenant le même chemin que la veille. Il aperçut vite la silhouette décidée et n’eut aucune difficulté à la suivre, car sa proie se rendit à la même taverne. Corbett se cacha dans l’ombre et commença sa surveillance. Mais, cette fois-là, il ne se contenta pas de guetter la porte de l’établissement, il jeta de fréquents coups d’oeil dans l’obscurité qui l’entourait. Mais il ne vit ni n’entendit rien d’inquiétant. Seuls les sons affaiblis de la taverne brisaient le silence menaçant de la rue plongée dans les ténèbres.
    De Craon et l’autre personne arrivèrent enfin et entrèrent en coup de vent dans l’estaminet sans une hésitation ou un regard en arrière. Corbett attendit quelques instants, puis traversa la rue à pas de loup et mit son oeil à la fente du vantail. Waterton, de Craon et la jeune femme étaient serrés les uns contre les autres, à la même table. Tout en restant sur ses gardes, Corbett les épia, l’oreille tendue et le coeur battant. Il avait envie de s’enfuir, d’échapper au danger qu’il devinait dans l’ombre. Un léger bruit le fit se retourner. Le cul-de-jatte, avec ses planchettes de bois, était là, qui l’observait :
    — Un sou, Messire, un petit sou !
    Corbett fouilla dans son escarcelle et lui tendit lentement la piécette. Ce qui arriva ensuite, il ne put jamais le décrire exactement, mais le revécut maintes et maintes fois dans ses cauchemars. Le misérable leva la main, puis se jeta soudain sur Corbett, dévoilant le poignard dissimulé dans ses haillons. Le clerc fit un pas de côté au moment où l’arme touchait la broigne qu’il portait sous sa cape. Il frappa à son tour d’un coup de poignard en pleine gorge et l’homme s’écroula dans la boue, yeux grands ouverts et poitrine inondée de sang.
    Corbett s’appuya contre la façade de la taverne en s’efforçant de maîtriser ses sanglots de terreur, puis il regarda dans la rue mais il n’y avait plus de danger. Il examina son assaillant et le retourna adroitement du bout du pied. Il le fouilla en évitant de regarder les yeux vitreux et la plaie béante de la gorge, mais ne trouva rien. Puis il se releva et alla surveiller Waterton : celui-ci était toujours en grande conversation avec ses compagnons, sans se douter de la terrible tragédie qui s’était déroulée silencieusement à l’extérieur.
    Le lendemain, Corbett s’assura que Waterton était bien retourné à leur résidence avant de solliciter un entretien avec Lancastre. Il fit part au comte de ses soupçons et lui narra les événements de la veille. Lancastre frotta son menton mal rasé et jeta un coup d’oeil perçant à Corbett :
    — Manifestement, vous redoutiez ce mendiant. Pourquoi ?
    — Parce que c’est un mendiant, répliqua Corbett, qui a assassiné Poer et Fauvel.
    — Comment le savez-vous ?
    — Eh bien, la seule personne mentionnée par l’aubergiste près de Poer était un mendiant.
    — Et Fauvel ?
    — Lui a été poignardé à l’entrée de son logis. Sa bourse lui fut dérobée pour faire croire à un vol, mais il tenait encore de la menue monnaie. Je me suis demandé pour quelle raison un homme pouvait trouver la mort sur son propre seuil avec des piécettes à la main. La seule explication plausible est qu’il s’apprêtait à faire l’aumône, en donnant quelques sous. N’importe qui est vulnérable devant un assassin déguisé en mendiant implorant la

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