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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’Égyptienne, le prépuce de Moïse, une mèche de cheveux de Samson et un tableau brillant représentant l’archange saint Michel. Corbett se délectait toujours à entendre de telles sornettes qui étaient l’exact opposé de la froide logique qui gouvernait sa vie.
    La nuit était déjà tombée lorsqu’il rejoignit son logement et en monta lentement l’escalier. Mais il s’arrêta soudain sur le seuil de la chambre, interloqué par les exclamations et les cris suraigus qui en provenaient. Il entrebâilla doucement la porte et jeta un coup d’oeil : Ranulf, nu comme un ver, batifolait avec une donzelle que sa rousse chevelure recouvrait comme un voile lorsqu’elle gigotait et se tortillait ; ses membres blancs enserraient ceux de Ranulf, son visage rayonnait, les yeux clos dans l’extase et la bouche figée en un « oh ! » de plaisir interminable.
    Corbett recula, furieux contre lui-même autant que contre Ranulf. Il redescendit l’escalier sur la pointe des pieds et sortit pour retrouver la chaleur accueillante d’une taverne voisine. Là il s’assit à une table près de la cheminée où brûlait une grosse bûche de pin et s’efforça de chasser de son esprit ce qu’il avait vu. Il se sentait coupable, irrité, et – assez bizarrement —- envieux. Il avait peur des femmes. Il en avait aimé deux et toutes deux étaient mortes ; l’une tuée par les fièvres, l’autre – la belle Alice – exécutée pour haute trahison {9} . Il se pencha sur sa chope en espérant que nul ne verrait les larmes qui lui brûlaient les yeux. Dieu sait à quel point il ressentait leur absence et le vide qu’elles avaient laissé dans sa vie. Lui, le clerc froid et raisonneur, semblable à une machinerie de théâtre, efficace et capable, mais dépourvu d’âme !
    Il finit par rentrer, légèrement éméché par la bière et l’apitoiement sur lui-même. Il jeta un regard soupçonneux à Ranulf, mais, trop gêné, ne fit aucune allusion à la scène qu’il avait surprise. Il ordonna par contre à son serviteur aux yeux battus de porter un message au comte de Richemont à Westminster, d’attendre que le comte veuille bien en prendre connaissance et de rapporter sa réponse.
    Le lendemain soir, Corbett travaillait dans sa petite pièce du palais de Westminster lorsque Ranulf fit irruption avec la réponse orale de Richemont.
    — Le comte, annonça-t-il avec une joie mauvaise, était généralement trop occupé pour parler à de simples clercs, mais il consentait à faire une exception. Il acceptait de rencontrer Corbett dans le Grand Hall de Westminster juste avant la fermeture des tribunaux. Il mentionnait une heure précise et priait Corbett de ne pas être en retard, car « des affaires d’État urgentes l’attendaient ».
    Après avoir congédié sur-le-champ Ranulf et son sourire goguenard, Corbett rangea son bureau et se dirigea d’une démarche lasse vers le Grand Hall. Sous l’immense charpente de chêne décorée des étendards bleu et or d’Angleterre, les cours de l’Échiquier, du Banc du Roi et des Plaids communs, siégeaient encore ; l’endroit fourmillait de sergents, de plaignants, de juristes à cape bordée d’hermine, de soldats, de paysans et de marchands, tous venus là en quête – hasardeuse – de justice. Le long des murs recouverts de tentures avaient été aménagés de petits recoins où l’on pouvait consulter clercs et hommes de loi. C’est vers l’un d’eux, choisi par Richemont, que se dirigea Corbett.
    Il fut déconcerté en y voyant le comte qui l’attendait déjà, marchant de long en large, emmitouflé dans sa splendide cape fourrée attachée au cou par un fermail d’or incrusté de perles. Richemont ne plaisait guère à Corbett avec ses yeux bleus larmoyants, sa blondeur, son nez quelque peu rouge au bout et sa bouche molle comme celle d’un poisson mort. En France, le clerc avait évité de le rencontrer, car le comte semblait être un personnage arrogant et grincheux, imbu de lui-même et dédaigneux des autres. L’entrevue n’arrangea pas les choses : Richemont présenta la campagne de Guyenne comme une série d’incidents malheureux.
    — Je n’ai rien pu faire ! se défendit-il d’un ton maussade et hargneux. Les Français étaient partout. Si je m’étais porté à leur rencontre, j’aurais certainement été défait, aussi suis-je resté à La Réole, en espérant que le roi m’enverrait les renforts nécessaires. Il ne l’a

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