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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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le trône, au centre de l’estrade, et ordonna à Corbett de siéger à sa droite, tandis que les autres membres du Conseil prenaient place. Puis éclata une sonnerie stridente de trompettes : la délégation française fit son entrée, conduite par Louis d’Évreux, frère de Philippe IV, richement vêtu d’une robe azurée bordée d’hermine et arborant, sur sa poitrine, un médaillon incrusté de joyaux, et, à ses mains gantées, des bagues où rubis, perles et diamants brillaient de mille feux. Il avait un port de tête hautain, comme s’il portait un objet rare et précieux. Il s’assit en face de Lancastre et son entourage se dispersa autour de lui pendant que clercs et scribes s’installaient à une table à côté.
    Lancastre et Évreux commencèrent par des platitudes diplomatiques, Évreux regrettant l’absence d’Édouard et écoutant, un sourire narquois aux lèvres, les explications d’un Lancastre rouge de colère et cassant : la situation en Écosse empêchait le roi d’assister à cette réunion. La question de la Guyenne fut ensuite abordée, les deux côtés réitérant leur longue liste de griefs. Corbett n’écoutait plus le flot de belles paroles qui s’écoulaient comme l’eau d’une rivière. Il avait aperçu de Craon qui siégeait à la droite de Louis d’Évreux. Le maître-espion l’avait également repéré, mais évitait soigneusement de le regarder en face. Corbett l’observa avec ressentiment. De Craon était-il surpris de le voir ici ? Certainement, pensa-t-il, mais le Français restait impassible en écoutant attentivement les revendications anglaises. Ses pensées s’envolèrent vers Maeve – et pas pour la première fois de la journée ! Le visage de la jeune femme brillait dans son souvenir comme la veilleuse tremblotante du tabernacle repousse les ténèbres ; l’image de sa longue chevelure blonde et de ses tendres yeux bleus hantait le tréfonds de son âme. Il regrettait qu’elle ne fût pas présente, là, parmi ces hommes graves et imbus d’eux-mêmes dont les idées et les paroles se seraient envolées comme poussière au vent en moins d’un an.
    Soudain il entendit des éclats de voix et sortit de sa rêverie. Louis cherchait à pousser Lancastre à bout et y parvenait fort bien, car le comte s’égosillait. Corbett sentait la tension monter ; les scribes eux-mêmes avaient levé leur plume et jetaient des regards de côté en se demandant, l’air impuissant, ce qui allait arriver. Corbett surprit un éclair de triomphe dans les yeux de Craon. « Seigneur Dieu, pensa-t-il, ils osent nous défier ici, en plein palais de Westminster ! ! ! » Il se rappela l’attaque dans les faubourgs de Paris, la beauté frémissante de Maeve et sentit alors une colère terrible l’envahir. Il chuchota à l’oreille de Lancastre : celui-ci devait absolument faire cesser les provocations répétées des Français.
    — Monseigneur, s’écria Lancastre en s’écartant de Corbett, je vous prie d’excuser notre bouleversement et notre nervosité, mais cela est dû à certaines circonstances particulières !
    Il toisa l’assistance, visiblement ravi de constater que ses paroles avaient eu raison du tumulte.
    — Nous venons de donner l’ordre d’arrêter un homme proche de notre Conseil, continua-t-il sans prendre de gants, un vrai serpent que nous avons réchauffé dans notre sein et qui livrait nos secrets aux ennemis du roi, ces ennemis qui se trouvent ici, et, ajouta-t-il après une légère pause pour plus d’effet, de l’autre côté de la Manche.
    Ses paroles furent accueillies par des murmures de consternation de la part des Anglais massés derrière les émissaires. Corbett ne les regarda pas, mais concentra son attention sur ces derniers : Évreux ne paraissait pas autrement troublé et de Craon continuait à tirer sur un fil lâche dépassant de la manche de son surcot avant, finalement, de souffler quelques mots à voix basse au comte Louis. Corbett avait tendu son piège, il attendait que les Français y tombent.
    — Monseigneur, dit Évreux d’une voix forte, vous nous voyez ravis de ce que notre cousin d’Angleterre ait pu se débarrasser d’un tel sujet d’irritation. Nous espérons que ce serpent ne participe pas à ces négociations, car, s’il vous a trahis, il pourrait très bien nous avoir trahis, nous aussi.
    — Est-ce là tout, Monseigneur ?
    Corbett fut surpris par le son de sa propre voix. Évreux lui jeta un

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