Un Jour De Colère
le
faîte du mur le civil Clemente de Rojas et le capitaine des Milices
provinciales de Santiago Andrés Rovira, qui est venu ce matin accompagner Pedro
Velarde et les hommes du capitaine Goicoechea. Elle mutile également, près de
l’entrée du parc, Manoli Armayona, la fillette qui, dans l’ultime répit du
combat, apportait du vin aux soldats, et blesse à mort, autour des canons, José
Aznar, qui se bat conjointement avec son fils José Aznar Moreno – celui-ci le
vengera plus tard, quand il sera guérillero dans les deux Castilles –, le bourrelier
sexagénaire Julián Lopez García, le voisin de la rue San Andrés Domingo
Rodríguez González, et les deux garçons de vingt ans Antonio Martín Rodríguez,
porteur d’eau, et Antonio Fernández Garrido, maçon.
— Les gabachos reviennent !… Il faut les arrêter, ils ne feront pas de quartier !
La violence du second assaut amène
les Français presque à portée de main des canons. Le temps manque pour
recharger les pièces, et le capitaine Daoiz, faisant des moulinets avec son
sabre au-dessus de sa tête, réunit autant de gens qu’il le peut.
— À moi !… Faites-les
payer cher !
Autour de lui se regroupent, animés
d’une résolution désespérée, ce qui reste de la bande de Cosme de Mora, le
redoutable ruffian Gómez Mosquera, l’artilleur Antonio Martín Magdalena, le
secrétaire Domingo Rojo, la femme du peuple Ramona García Sánchez, l’étudiant
José Gutiérrez, plusieurs Volontaires de l’État et une douzaine de civils parmi
ceux qui n’ont pas encore fui pour se mettre à l’abri. Pedro Velarde, également
sabre à la main et hors de lui, court de l’un à l’autre, obligeant ceux qui se
cachent dans Las Maravillas ou le parc à retourner au combat. Il fait sortir
ainsi de force le jeune Francisco Huertas de Vallejo, don Curro et quelques
blessés légers qui y avaient cherché refuge, et les oblige à rejoindre ceux qui
défendent les canons.
— Le premier qui recule, je le
tue !… Vive l’Espagne !
L’assaut français continue au corps
à corps, baïonnettes en avant. Nul, parmi les défenseurs, n’a le temps de
mordre les cartouches et de charger les fusils, aussi n’entend-on que quelques
coups de pistolets, les autres s’en remettant aux baïonnettes, couteaux et
navajas. Désormais, de si près, l’avantage des ennemis se réduit à celui du
nombre, car, à chaque pas, ils sont assaillis par des hommes et des femmes qui
luttent comme des bêtes fauves, ivres de sang et de haine.
— Faisons-les payer !… En
enfer ! Faisons-les payer !
Ils abattent ainsi beaucoup de
Français ; mais, entourés d’ennemis qu’ils frappent avec leurs fusils
déchargés ou leurs lames, on voit aussi tomber, tués par les balles ou les
baïonnettes, l’artilleur Martín Magdalena, le beau Gómez Mosquera, les
Volontaires de l’État Nicolás García Andrés, Antonio Luce Rodríguez et Vicente
Grao Ramirez, le veilleur de nuit galicien Pedro Dabraña Fernández et le
marchand de vin de San Jerónimo José Rodríguez, ce dernier au moment où il se
jette, avec son fils Rafael, sur un officier français.
— Les Français se sont
arrêtés !… hurle le capitaine Daoiz. Résistez, on les a arrêtés !
C’est exact. Pour la deuxième fois,
l’attaque des mille huit cents hommes de la colonne Lagrange-Lefranc est
bloquée devant les canons, où les morts et les blessés des deux camps
s’accumulent au point d’entraver sa marche. Un nouveau tir de canon – décharge
inattendue, venue de la rue San Pedro – atteint l’étudiant José Gutiérrez qui
s’effondre, miraculeusement vivant, mais avec trente-neuf éclats de mitraille
dans le corps. La même décharge tue l’habitante de la rue de la Palma Ángela
Fernández Fuentes, vingt-huit ans, qui se bat sous la voûte de l’entrée du
parc, son amie Francisca Olivares Muñoz, et les civils José Álvarez et Juan
Olivera Diosa, ce dernier âgé de soixante-six ans.
— Rechargez les fusils !…
Ils reviennent !
Cette fois, l’assaut français ne
s’arrête pas. Aux cris de « Sacré nom de Dieu, en avant ! En
avant ! », les grenadiers, les sapeurs et les fusiliers montent
sur les monceaux de cadavres, débordent les défenseurs des canons, atteignent
l’entrée du parc. À l’épaisse fumée et aux éclairs lancés par les armes qui ont
eu le temps d’être rechargées se mêlent les cris et les hurlements, les
craquements des chairs
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