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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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Suivant ses instructions, celui-ci a supervisé la mise en batterie des
quatre pièces : trois qui prennent en enfilade chaque axe possible de
progression de l’ennemi, et la quatrième prête à être orientée dans telle ou
telle direction, selon les nécessités de l’heure. Chaque canon a ses servants
artilleurs, renforcés par des volontaires civils chargés de fournir les
munitions et de déplacer les affûts. Le plan est que Velarde dirigera la
défense à l’intérieur de la caserne pendant que Daoiz commandera
personnellement le feu des canons, assisté des lieutenants Arango et Ruiz – ce
dernier s’est porté volontaire, car il a servi comme artilleur à Gibraltar. Les
boutefeux fument dans les mains de chaque chef de pièce et tous, militaires et
civils, ont le regard tourné vers les deux capitaines. La foi aveugle que Daoiz
lit sur leurs visages, les sourires crânes et confiants, les femmes qui vont
d’un canon à un autre en versant du vin aux artilleurs ou qui portent des
cartouches au verger et aux maisons voisines, l’inquiètent. Ils ne savent pas
ce qui les attend, pense-t-il.
    — Tu as envoyé le gosse ?
    Daoiz acquiesce. En ce moment, le
cadet des Volontaires de l’État, Juan Vázquez Afán de Ribera, que sa jeunesse a
désigné pour cette mission, doit courir à la vitesse d’un zèbre dans la rue San
Bernardo, porteur d’un écrit pour le capitaine général de Madrid. En quelques
lignes, et plus sur les instances de Velarde que parce qu’il nourrit vraiment
l’espoir que cela serve à quelque chose, Daoiz, en qualité de commandant du
parc de Monteleón, explique les raisons pour lesquelles ils se battent contre
les Français, exprime sa résolution de résister jusqu’au bout et demande l’aide
de ses camarades, « afin que le sacrifice des hommes et des civils sous
mon commandement ne soit pas inutile ».
    — Retourne à l’intérieur,
Pedro, dit-il à Velarde. Et que Dieu nous protège !
    Son camarade sourit. Il semble sur
le point de s’exprimer ; peut-être une phrase qu’il a préparée pour
l’occasion. Le connaissant comme il le connaît, Daoiz n’en serait pas du tout
surpris. Finalement, Velarde se borne à hausser les épaules.
    — Bonne chance, mon capitaine.
    — Bonne chance, mon ami.
    — Vive l’Espagne !
    — Bien sûr, mon vieux. Mais
rentre vite.
    — À tes ordres.
    Daoiz reste immobile, en regardant
Velarde disparaître à l’intérieur du parc. Sacré caractère ! pense-t-il.
Puis il se tourne vers ceux qui attendent près des canons. Quelqu’un crie d’un
balcon que les Français sont sur le point d’arriver au coin de la rue. Daoiz
avale sa salive, soupire et tire son sabre.
    — Tout le monde à son
poste ! ordonne-t-il. Feu à mon commandement !
    Au coin des rues de la Palma et San
Bernardo, Juan Vázquez Afán de Ribera, cadet de la 2 e compagnie du 3 e bataillon des Volontaires de l’État, s’arrête pour reprendre haleine. Avec
l’agilité de ses douze ans, il est descendu en courant depuis le parc
Monteleón, le message du capitaine Daoiz plié dans le revers de la manche
gauche de sa veste, et il se prépare maintenant à traverser une zone
découverte. Le fait que le carrefour soit désert, sans une âme en vue ni un
habitant aux balcons, ne présage rien de bon. Mais le commandant du parc, en
lui disant tout à l’heure adieu, a insisté sur l’importance de sa mission.
    — C’est de vous que dépendra,
a-t-il dit, qu’ils viennent ou non à notre secours.
    Le tout jeune aspirant au grade
d’officier passe une main dans ses cheveux en désordre et humides de sueur. Il
est parti tête nue de la caserne pour ne pas être gêné et porte seulement sa
dague de cadet à la ceinture. Méfiant, il inspecte les alentours. Personne en
vue, constate-t-il de nouveau. Les portes sont fermées, les volets aussi, les
boutiques closes par des planches. Il règne un silence inquiétant, rompu de
temps en temps par des détonations lointaines.
    Il faut se décider, pense le garçon.
Il a l’impression que l’appel au secours de ses camarades qui est dans sa
manche le brûle. Prudent, il se remémore les enseignements reçus à l’école
militaire pour réfléchir à l’itinéraire qu’il doit suivre. Il va traverser la
rue jusqu’à la borne d’en face et, de là, il continuera jusqu’à la voiture
abandonnée devant la porte de ce qui semble être une auberge. Pourvu, se
dit-il, qu’il n’y ait pas de tireurs

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