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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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derrière les Français et les pourchasser jusqu’à leurs casernes. Le
lieutenant Arango, que Daoiz a fait sortir avec plusieurs artilleurs pour l’en
empêcher, doit se démener pour convaincre les gens de revenir à la raison.
    — Ils ne sont pas battus !
s’époumone-t-il à en perdre la voix. Dès qu’ils se seront réorganisés, ils vont
revenir ! Ils vont revenir !
    — Vive l’Espagne et vive le
roi ! !… À mort Napoléon ! !… À bas Murat ! !
    Finalement, à force de les frapper
et de les repousser, Arango et ses artilleurs rétablissent l’ordre. Ils y sont
aidés par l’arrivée opportune du parti de civils mené par le serrurier Blas
Molina Soriano qui, après des détours prolongés pour éviter les Français – et
une attente prudente rue de la Palma afin de voir comment tourneraient les
événements –, vient s’ajouter aux défenseurs de Monteleón. Ce renfort est reçu
avec des cris de joie et conduit à l’intérieur, où Molina informe le capitaine
Daoiz de la présence d’autres forces impériales dans les alentours. Elles
accourent en toute hâte, précise-t-il, de la porte de Santa Bárbara. De son
côté, le capitaine Velarde qui, par son expérience d’officier d’état-major,
connaît la composition des troupes napoléoniennes identifie, aux uniformes et
aux insignes, la troupe qui vient d’exécuter cette tentative. Il s’agit d’une
compagnie, envoyée en avant-garde, du bataillon de Westphalie qui compte, au
complet, plus d’un demi-millier d’hommes. Celui-là même qui, d’après le
serrurier Molina, se dirige au pas accéléré vers Monteleón.
    Près de la fontaine de la
Mariblanca, à la Puerta del Sol, Dionisio Santiago Jiménez, terrassier plus
connu sous le nom de Coscorro à la résidence royale de San Fernando dont il est
originaire, voit mourir son ami José Fernández Salcedo, quarante-six ans, la
moitié de la tête arrachée par une balle française.
    — Ne restez pas à découvert,
nom de Dieu ! Abritez-vous !
    Coscorro et d’autres font partie des
groupes de campagnards, robustes et décidés, qui sont entrés la veille dans
Madrid pour manifester en faveur de Ferdinand VII ; et qui,
aujourd’hui, loin de leurs foyers et sans refuge possible, se battent dans la
rue avec la détermination de gens qui n’ont nulle part où aller. Tel est le cas
de nombre de ceux qui composent cette troupe de presque une centaine d’hommes
et qui s’accrochent, tenaces, aux abords immédiats de la place, en se
dispersant à chaque charge française pour se reformer ensuite et lutter aussi
longtemps qu’ils le peuvent. Parmi eux, le sexagénaire José Pérez Hernán de la
Fuente et ses fils Francisco et Juan, qui sont venus hier de Miraflores de la
Sierra en habits du dimanche, bonnet de fourrure et capote rouge, et aussi le
jardinier du marquis de Santiago à Griñón, Miguel Facundo Revuelta Muñoz, âgé
de dix-neuf ans, qu’accompagne son père Manuel Revuelta, jardinier de la
résidence royale d’Aranjuez. Près d’eux, lançant des coups de main contre les
Français depuis les portes de l’hôpital du Buen Suceso qui donnent sur le cours
San Jerónimo et la rue d’Alcalá, se battent les frères Rejón, avec leur outre
de vin vide et leurs navajas ensanglantées, en compagnie de Mateo González, de
l’acteur Isidoro Máiquez, de l’ouvrier imprimeur Antonio Tomás de Ocaña armé
d’une escopette, des habitants de Perales del Río Francisco del Pozo et
Francisco Maroto, et des jeunes Tomás González de la Vega, quinze ans, et
Juanito Vie Ángel, quatorze ans. Ce dernier suit son père, l’ancien soldat
invalide des Gardes wallonnes Juan Vie del Carmen.
    — En voilà d’autres !
    Quatre cavaliers polonais et des
dragons, sabres au clair, approchent au galop, pour disperser le petit groupe
qui s’est reformé près de la fontaine. À cet instant, sortant du Buen Suceso,
l’ouvrier imprimeur Ocaña décharge son escopette dans le poitrail d’un cheval
qui tombe en entraînant son cavalier. Celui-ci n’a pas encore touché le sol que
les frères Rejón et Mateo González le criblent de coups de couteaux, tandis que
Máiquez, qui vient de recharger son pistolet, tire sur les autres. De nouveaux
civils accourent, les Polonais et les dragons sabrent tant et plus, des coups
de feu retentissent, tirés par des soldats français qui chargent à la
baïonnette de la rue d’Alcalá, et, dans une énorme confusion, au milieu des

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