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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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il est né, c’est cela ? tenta-t-il en la secouant doucement.
    L’autre tangua, hésita, se souvint peut-être qu’elle vivait encore.
    — Je l’ai aidé à vivre, répéta-t-elle. Il faut qu’on le sache. Il faut le dire à ton Dieu avant que je crève à mon tour…
    — Rassurez-vous. Il vous en rendra grâce. Voilà une action qui comptera au moment de vous présenter devant Lui.
    Mais ces mots ne l’apaisèrent pas. Bien au contraire, une lueur cruelle enflamma son iris :
    — Il me demandera alors pourquoi j’ai pris celle de sa mère…
    Paillard se tut. Le Styx l’emportait peut-être. Et combien de fois en avait-il été ainsi, le ciel l’abandonnant au seuil de la nuit, yeux vitreux et mi-clos, pour la faire renaître à l’aube ? Qu’elle meure ou réchappe à son délire, Calmés était persuadé qu’il n’apprendrait plus rien à cette heure et pour se séparer d’elle, il lui fallut tirer, tirer jusqu’à ce que leurs doigts se décroisent.

    Sa main était encore engourdie quand il traversa le Pont-Neuf afin de rejoindre Montcler. Paillard avait-elle réellement pris la vie de Marie, la mère de Toussaint ? Et comment ? Marolles était-il le corbeau qu’elle maudissait ? Autant de questions ne se régleraient pas en une nuit. À ces mystères, s’ajoutait celui de Delaforge qui s’infligeait seul, comme la vieille à deux dents , pécheresse dévorée de remords, son propre châtiment. Installé dans la peau du lutteur, risque-tout, provoquant plus sûrement les souffrances et les douleurs que si on le traînait au bûcher, l’ancien collégien, avait donc expliqué Hélène, narguait la mort aux arènes de Lutèce. Pis, avait-elle ajouté, il ne la craignait point, se moquant de ses blessures et paraissant parfois s’en réjouir. Était-ce à cause de son passé, de plus en plus troublant, ou parce que sa nature était viciée, comme l’avait soutenu Marolles ? Ce que savait désormais Calmés remettait en cause la thèse du parrain retors et débouchait sur des interrogations abyssales, laissant croire à une sorte de cabale, à un ignoble mensonge. Et absolvait en partie la culpabilité du filleul. Du moins, l’excusait. Coupable, ou non, de sa vie ? Les fondements étaient corrompus. Sans bases saines, l’arbre ne pouvait pousser droit, et le responsable n’était plus la jeune pousse, mais le tuteur. Voilà qui éclairait le passé, mais n’annonçait rien de bon pour le futur. Redressait-on ce qui avait été tordu ?
    La mission plaisait au ministère de Calmés : Toussaint pouvait-il être sauvé ? C’était croire – ou espérer – que la nature restait bonne, que la fange ne corrompait pas totalement l’humus. Que l’espoir, vertu enracinée dans le cœur de ce prêtre, perdurait. En somme, afin de trancher entre le Bien et le Mal, il fallait approcher le sujet qui réunissait tant d’incertitudes, et le faire ne fut pas aisé, même pour Passe-Muraille .
    Mais un soir, il se décide. Il approche du Chapeau rouge , rôde, mêle sa soutane à l’ombre, tourne en rond et se voit récompensé de ses efforts. Toussaint sort. Il le suit, lui et un autre – sans doute le patron de la taverne puisqu’il vient d’en fermer la porte. Où vont-ils ? Par tous les saints ! Comme l’annonçait Hélène, ce sont bien les arènes, malfamées pour les combats qui s’y déroulent. Et qui voit-il ? Ravort tordu, boiteux, associé à Delaforge, le lutteur masqué. Que penser de l’attelage, d’une alliance impossible ? Un non-sens pour un être aux pensées carrées. Si la victime – Ravort – n’accable pas son bourreau – Delaforge –, Calmés doit-il le faire ? Sa conscience s’agite. Il lui vient que Ravort a peut-être menti sur le nom de son agresseur, et renonce aussitôt à cette idée saugrenue, sans s’accrocher à aucune autre. Il se torture, abandonne… Qu’ils aillent au diable ! La nature de ces hommes est trop compliquée. Et il y revient quand même.
    Il lui faut de l’obstination pour se présenter à nouveau aux arènes, plus discret qu’un chat noir. Cette fois, il s’intéresse – et le regrette – au combat. En observant la scène, Passe-Muraille calcule qu’il peut approcher de l’invincible lorsque les flambeaux s’éteignent. Et pendant que les parieurs sont à leur affaire autour de Ravort, il voit Toussaint penché sur sa proie, ne l’achevant pas, murmurant qu’elle s’éteint par sa faute pour avoir voulu défier la mort. Si

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