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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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prêtre d’une voix blanche qui cache une sincère émotion. Acceptes-tu de rentrer dans la raison et la foi ?
    Toussaint ne répond pas. Il s’en veut d’avoir été faible.
    — Trouve ta vie ! insiste Calmés dans l’espoir qu’il réagisse. À Montcler, tu parlais du métier de bâtisseur. Tu en rêvais.
    Il se penche pour saisir le couteau de Pontgallet.
    — Sa pointe est cassée… Ne crois-tu pas qu’il pourrait t’être utile à des choses plus… constructives ?
    Toujours rien.
    — Ce couteau appartenait à un homme bon qui accepterait de te venir en aide. Ne serait-ce qu’en souvenir du passé…
    Cette fois, en face, on réagit. L’œil est sec, attentif.
    — Tu t’en servais pour aider ce maçon, s’attendrit Calmés. Et tu l’as volé…
    La sortie fait son effet. L’accusé ne peut cacher sa surprise.
    — Ne suis-je pas le Passe-Muraille ? continue le jésuite en se servant de la même douceur. Mais oublie-le… Pardonne ses méthodes qui te parurent si dures. Ne retiens que la sincérité d’un homme qui veillait sur toi, qui voulait t’aider. Écoute ses conseils : réforme-toi pendant qu’il en est encore temps. Souviens-toi de celui que tu désirais être.
    Toussaint montre qu’il n’a qu’un bras. Voilà sa réponse.
    — Tu peux dessiner, peindre, tailler. Il te suffit d’apprendre…
    Les yeux se ferment. C’est non. Peut-on réformer la nature ? Calmés pense avoir échoué. À quoi bon raconter ce qu’il sait ?
    — Je reviens mardi, jette-t-il. Tu me donneras ta réponse.
    Il se lève, va partir, quand la voix de Toussaint retentit enfin :
    — Voulez-vous savoir pourquoi je voulais apprendre le métier de ce maçon ?
    Dieu ! Les fils se renouent, fragiles, indécis, incertains, mais le regard est là, fixé sur Calmés.
    — Je vais vous décevoir, grimace Delaforge.
    Le jésuite ne réagit pas. Un mot et tout s’arrêtera. Mais il faut occuper le temps, remplir l’espace. Sans réfléchir, il saisit un prie-Dieu où sommeillaient deux aubes blanches qu’il pose délicatement sur l’autel. Il ne fait aucun bruit quand il s’assoit, plus bas que l’autre, genoux pliés, mains dessus et croisées.
    — Vous souvenez-vous des coups de fouet que j’ai reçus peu après mon arrivée à Montcler ?
    Calmés acquiesce en silence.
    — La raison en était que j’avais été surpris dans la chapelle du collège et que vous me soupçonniez d’avoir bu le vin de messe…
    — J’ai agi pour l’exemple, ne peut s’empêcher d’intervenir son vis-à-vis. Il fallait punir l’indiscipline…
    — La vérité est tout autre, l’interrompt Toussaint. Le fouet aurait dû condamner mes pensées. Celles-ci étaient… Comment diriez-vous ? haineuses, violentes, malveillantes…
    Calmés écoute et remercie Dieu. Voilà peut-être la confession qu’il n’espérait plus. Seigneur, se dit-il, aidez ce garçon. Donnez-lui la force de se livrer encore. De se sauver, peut-être.
    — Non, je n’ai rien pris, je n’ai rien volé ce jour-là, continue l’ancien collégien comme si, en effet, il cherchait à se libérer. En revanche, j’ai juré de détruire le monde qui m’emprisonnait.
    — Est-ce à cause du fouet que je t’ai donné ?
    Calmés se mord les lèvres. Il s’en veut. Écouter, simplement.
    — Allons, monsieur le préfet de discipline, ne vous sentez pas responsable. Et pour apaiser votre conscience, apprenez ceci : votre fouet m’a endurci et appris que je pouvais résister, souffrir sans faiblir. Il le fallait pour détruire à mon tour ce que je haïssais. Pour tout dire, c’est dans la chapelle que j’ai compris comment. Nicolas Pontgallet y est entré avec Baltius, le cauteleux chef de la chorale, expliquant qu’il fallait démolir avant de reconstruire. Et pendant que Baltius suppliait de procéder avec prudence, le maçon se montrait intraitable. Détruirait-il ce qui était intouchable ? J’entendis Baltius céder à l’inimaginable. Un enfant de sept ans y a mis ce qu’il voulait comprendre. Il allait abattre le monde qui l’avait fait laid et misérable pour le rebâtir à sa façon . Ainsi, pendant toutes ces années, vous m’avez cru passionné par l’architecture, mais ce n’était qu’une tromperie à laquelle vous avez mis fin vous-même, comme si la main de Dieu vous guidait, en me reprenant Les Quatre Livres de l’architecture de Palladio, le jour de mon départ de Montcler… Je n’ai jamais voulu édifier. Bien au contraire,

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