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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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l’homme est encore plus séduisant que dans ses songes les plus tendres. Quand il danse, Louis est porté par la grâce. Il parle, on l’écoute. Il scrute, on se plie et on tremble. Il passe, simplement cela, et l’on s’agenouille. Il domine, impressionne, il est roi.
    Ah oui ! cette union ressemblait à la plus belle chose qui pouvait se produire pour la jeune princesse désireuse de s’affranchir du poids de sa belle-mère, Marie-Anne de Habsbourg, d’un confesseur méfiant, des encombrantes meninas , ses demoiselles d’honneur, d’un père obsédé par la question de sa descendance, d’un pays miné et ruiné par la guerre. Mais voilà que depuis son mariage à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660, elle découvre ce qu’il en coûte d’être la frêle épouse d’un mari infatigable. Elle s’est donnée en confiance, le cœur battant, timide et maladroite, apportant dans ses bagages sa naïveté – et du chocolat et de l’orange qu’elle a fait découvrir au jeune roi. Pour le reste, il semble qu’il connaissait, y compris et surtout l’amour dont il ne se lasse pas, au point de la lutiner sans cesse, sans répit, au risque d’épuiser cette nature fragile. Ce n’est pas tout. Mettrait-il dans ses assauts un peu de sentiment ? Bien qu’elle n’ait nul moyen de faire des comparaisons, Marie-Thérèse en doute. Si le roi n’est jamais au repos, il procède comme s’il mangeait ou buvait. Goulûment. C’est fait et il passe à autre chose. Chaque jour, et plusieurs fois, il faut céder à son insatiable, son bestial appétit.
    Depuis un mois, Marie-Thérèse a mal à la tête et ce carrosse ne l’aide pas. Il va au grand galop, puisque le roi l’exige. Il fonce férocement. Louis Dieudonné est toujours ainsi, pressé, et ce jour, davantage encore. Il entraîne son épouse dans un lieu qui lui tient à cœur et où il n’a pas eu le loisir de se rendre depuis leur mariage. Trop d’obligations, de réceptions, de déplacements incessants entre le Louvre et Saint-Germain. Louis XIV est doté d’une énergie redoutable. Il épuise Marie-Thérèse, formée au lent rituel hispanique.
    Mais, voici trois jours, le roi entre sans frapper chez elle. Elle craint une énième saillie. Nenni. Il est souriant, affable, aimable. Il se tient à trois pas, ne renvoie pas les dames de compagnie – ce qui d’ailleurs ne le dérangerait point – et annonce une surprise : ils iront eux deux seuls. Et c’est une sorte de voyage d’amoureux, imagine-t-elle, même s’il ne dure qu’un jour. Où ? À « Versailles ». Marie-Thérèse plisse les yeux, ouvre une bouche trop petite. Elle ne parle pas bien français, répète « Versailles » en appuyant sur le s devenant soudain une espèce de cheu qui agace Louis, même s’il ne montre rien.
    Pendant trois jours, rêvant à son rendez-vous , elle a cherché comment se vêtir pour plaire à son bel époux. Au final, la tenue choisie est maladroite. Elle déteste le froid. Elle fait engoncée. La robe est doublée d’un tissu sombre qui ne met en relief que la taille épaisse quand Louis aime ce qui est vif, brillant et léger. Plus haut, c’est pire. L’habit monte jusqu’au cou, cachant sous un col une poitrine maigrelette. Non, ce n’est pas ainsi que Sa Majesté voyait les choses. Car lui a choisi une veste légère – il ne craint rien, pas même l’humidité – et une chemise ample dont les poignets brodés battent au vent puisque la fenêtre du carrosse est grande ouverte. Marie-Thérèse éternue. Il est sept heures. Elle a sommeil. L’Espagne lui manque.
    De tout cela, Louis est conscient et s’en désole. N’est-ce pas la femme qui doit donner un Dauphin à la France ? Ne doit-il pas vivre avec elle toute sa vie, si Dieu y consent ? Il soupire en la regardant. Le jour est maintenant levé. Fichtre, quel visage ! Éteint, chagrin, maussade. Malgré ce mariage arrangé, il espérait tomber amoureux de sa cousine, sans pour autant exclure quelques aventures de passage. Qu’y peut-il ? Sa force est celle d’un lion, il épuise la gent féminine comme hier le sein de ses nourrices. Mazarin, le vieux parrain, serait prêt à passer outre, à fermer les yeux comme il le fit pour Marie Mancini, sa nièce, mais il faut une solide complicité pour qu’un couple, même royal, survive aux épreuves. Sur quels sujets pourraient-ils tous deux trouver des points communs ? La guerre et la chasse étant des occupations viriles, de quoi parler à

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