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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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domaine de cent vingt-sept arpents 3 et acheté le territoire seigneurial de Versailles-au-Val-de-Galie que détenait l’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi.
    Mais connaît-on les raisons qui le font tant aimer sa ricreazione ? Si un proche s’autorise à lui poser la question, Louis XIII sourit mystérieusement et détourne le regard. Sa Majesté est avare de mots. Peu pourraient se vanter de connaître ses pensées intimes tant il renâcle à se confier, ne brisant que rarement l’armure que lui impose sa fonction. Pour s’y trouver aussi souvent que possible, on comprend qu’il aime la simplicité des lieux, la quiétude, le silence, la sérénité n’existant pas au Louvre. Dans son château de cartes , il est vraiment lui-même et, s’il vente trop, si le sol est gorgé d’eau ou gelé, si le marais puant est par trop infecté de miasmes, il préférera loger dans la piètre hostellerie voisine du petit bourg versaillais plutôt que de rejoindre Saint-Germain-en-Laye. Hélas ! il lui faut souvent mettre entre parenthèses sa passion pour Versailles. Son médecin le supplie de ne plus s’y rendre. Trop humide, trop glacial. Mais ce matin de septembre n’est pas comme les autres. Il vient, accompagné d’un enfant.

    Il s’agit d’un garçon d’à peine quatre ans, à qui on donnerait deux ou trois ans de plus, car il est fort. Pour l’occasion, il ne porte pas ces habits qu’il déteste et le font ressembler à une fille, d’autant que sa chevelure blonde descend jusqu’aux épaules. Il est vêtu comme le roi et chausse des bottes ornées de beaux étriers. Il s’est donc séparé de la robe blanche, ridicule, que lui impose sa nourrice, quand ce n’est pas sa gouvernante ou son directeur de conscience qui lui dictent ses faits et gestes. Chaque matin, il renâcle, tape du pied, menace d’arracher tout et de courir nu dans les couloirs de l’immense demeure où il loge. La nourrice patiente… Puis se fâche.
    — Qui que vous soyez, soutient-elle, les petits sont vêtus ainsi.
    Le garçon hausse les épaules :
    — Qui que vous soyez ? Mais je ne suis pas n’importe qui ! Je m’appelle Louis Dieudonné, clame-t-il d’une voix aiguë qu’il voudrait grossir. Je suis le Dauphin. Un jour, je succéderai à mon père et mettrai fin à cette loi.
    Pierrette Dufour le regarde amusée en l’écoutant parler comme ceux qui s’adressent à lui. S’il ne comprend sans doute pas le sens profond des mots qu’il emploie, ce sont déjà ceux d’un prince. Son ton, ses manières sont altiers. Le jour venu, Louis deviendra un grand roi. Puis le cœur de la nourrice se serre. Il est jeune, trop pour être couronné. Hélas ! elle n’ignore rien de la santé de celui qui règne. Elle sait, pour être intime de la famille royale et pour l’avoir entendu hier en refermant la porte de la chambre de la reine, que Sa Majesté sent poindre la mort.

    — Est-ce encore loin, Sire ?
    Louis XIII sourit à son fils. Ainsi, il cache la grimace qui lui vient tant la douleur tenaille son ventre.
    — Apprenez la patience, Louis. Vous en aurez bientôt besoin.
    — Chasserons-nous au faucon ? insiste l’enfant.
    — Patience, je vous dis.
    Le roi désire présenter à celui qui, bientôt, prendra sa place, le domaine auquel il est follement attaché. Avant que la nuit tombe, ils reviendront au Louvre pour fêter dignement l’anniversaire de Louis Dieudonné. Quatre ans que les canons retentirent. Quatre années miraculeuses au cours desquelles le roi n’a cessé de remercier la Vierge.
    Cette expédition s’apparente aussi à une sorte de pèlerinage. Louis XIII connaît Versailles depuis que son propre père, Henri IV, l’y emmena alors qu’il avait six ans. Les souvenirs sont lointains, flous, incertains, mais l’un d’eux est gravé. C’était un jour comme celui-ci. Il faisait beau, l’air était sec, la nature foisonnante. Il lui revient le vol d’un faisan débusqué par Sévère 4 , un chien auquel tenait son père. Un limier. Un compagnon dont il ne craignait rien, ajoutait ce roi. Au soir de la chasse, le gibier fut rassemblé. Les hommes parlaient fort, buvaient, tranchaient le pain en se contant leurs exploits, réussis ou manqués. Les plumes du faisan levé par Sévère brillaient parmi les autres. La pièce était belle. Henri IV se pencha et voulut s’en saisir pour soupeser la bête. Au même instant, le chien surgit de la pénombre et, crocs sortis, mordit son maître.

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