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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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fournaise. À l’intérieur, Delaforge se battait toujours, se servant de sa chemise pour étouffer les flammes qui léchaient le pilier soutenant les poutres. Anne ne le quittait pas des yeux. Dieu punissait son père d’avoir voulu chasser son héros. Et Jean lui-même reconnut que ce diable de manchot se battait comme dix hommes.

    À six heures, quand le jour se leva, le feu était maîtrisé. Peu de choses en fait avaient brûlé. Cela tenait du miracle, il fallait remercier l’ange qui veillait depuis toujours sur l’épaule du maçon, et plus encore Toussaint. Tous étaient réunis dans la cuisine, attablés autour d’un bol de lait tandis que Marguerite tartinait de confiture de belles tranches de pain. Nicolas Pontgallet avait donné à Delaforge sa chemise du dimanche. L’intrépide la méritait.
    — Merci Toussaint, commença le maçon d’une voix émue.
    Le champion resta muet.
    — Sans toi…
    Les mots ne sortaient pas.
    — Comment as-tu fait pour te trouver là avant nous ? lâcha le fils, d’un ton méfiant.
    Delaforge le fixa intensément :
    — J’ai senti le feu.
    — Tu as le nez fin…
    — Et toi, sois moins imprudent, désormais, répliqua l’apprenti.
    — Que veux-tu dire ?
    — Est-ce toi qui as fermé l’atelier ?
    — Oui, bredouilla le questionné.
    — As-tu bien éteint la lampe à huile en partant ?
    Le fils n’en savait plus rien. À son habitude, il perdit tous ses moyens. Et regarda son père. De ce côté-ci, il n’obtiendrait aucun secours.
    — Le feu a débuté sur la table, là où tu la poses.
    Delaforge se fendit d’un sourire :
    — Peu importe puisque tout finit bien.
    Pontgallet regarda Marguerite. Oui, bien sûr, ce n’était plus un jour à renvoyer leur sauveur.

    À midi, Delaforge se félicitait. Tout avait fonctionné au-delà de ses espérances, et mieux que la manœuvre initialement prévue. Au départ, il songeait à mettre le feu dans la maison. Une bûche tombait de la cheminée, roulait et embrasait le fatras qui encombrait la pièce. Bien sûr, il y mettait fin – pas trop tôt ! –, prétextant être descendu alerté par l’odeur. Réveillé par le combat livré contre les flammes, Pontgallet le découvrait en train de sauver les biens de sa famille. Tant de courage méritait de reconsidérer sa décision. L’apprenti y gagnait de quoi négocier un délai. En profiterait-il pour séduire Anne ? La priorité était d’obtenir la confiance du maçon afin d’agir librement par la suite. En y réfléchissant, tant d’incertitudes ne pouvaient pourtant qu’échouer. Quand, partant d’un geste aussi audacieux que désespéré, l’affaire tournait finalement en sa faveur. L’apparition inopinée de Pontgallet dans la cuisine avait contraint Delaforge à improviser. Le pas du bâtisseur s’entendait de loin. L’un et l’autre allaient se trouver face à face, et c’en serait fini. Faisant confiance à l’instinct qui l’avait si souvent sauvé, l’ancien lutteur chercha son salut en se jetant dans la cour. Là où se trouvaient l’atelier et les trésors du maçon, sa richesse et ce qui lui en procurait. Instruments, contrats, dettes et avoirs, même une cassette emplie d’argent. Mais, pour entrer, il fallait fracturer la serrure ; son couteau à la pointe brisée lui fut utile. Il ne restait qu’à raviver la lampe, abandonnée par le fils, à utiliser le rien de braise qui sommeillait dans la cheminée de l’atelier, et à briser le récipient en terre cuite, gorgé de graisse. La table prit feu sur-le-champ. Trois rouleaux de plan s’embrasèrent. Un résultat si rapide que Delaforge fut piégé. Sortir, c’était se condamner. Alors, entouré de flammes, il arracha sa chemise, ne songeant qu’à sa peau. Et quand Pontgallet se montra, il vit une silhouette s’entêtant à sauver ce qui lui était cher.
    Midi sonnait. Ils se trouvaient tous deux dans l’atelier noirci de suie, mais l’essentiel était sauf.
    — Mordiou ! nous aurions pu tout perdre…
    Delaforge ne releva pas ce nous qui pouvait laisser entendre qu’il était désormais associé au collectif. Il hocha simplement la tête et cette nouvelle preuve de modestie renforça l’opinion du maçon. Le garçon ne cachait rien de tordu. Sa nature était simplement à l’opposé de celle de son fils. Discret, solide, modeste, avare de paroles quand elles étaient inutiles.
    — Jean a fait une belle bêtise.
    — Ne l’accablez pas. J’aurais pu commettre la

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