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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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sybarite et connu pour la dureté de son jugement à l’égard du pécheur. Il en vint même à plaindre Toussaint, interprétant son silence et ses airs de secret comme le juste retour d’une éducation trop stricte. Mais, sous sa conduite, tout changerait. Il lui rendrait le sourire. Il en ferait un être nouveau.
    — Merci, mon père, dit-il d’un ton peu avenant. Laissez-moi penser que le meilleur ne demandait qu’à éclore.
    — Je n’en doute pas. Cependant, la modération reste de mise.
    Ces simagrées ne firent qu’accroître l’agacement du bâtisseur :
    — J’ai de grands projets le concernant.
    — Mais vous disiez vous-même qu’un manchot…
    — N’est-ce pas vous qui me conseilliez de l’essayer au dessin ?
    — Si, en effet…
    — Et je le crois bon pour négocier. Même d’une main.
    — Dans ce cas, céda Calmés, vous m’en voyez ravi.
    Il gagna la sortie :
    — Je ne vois pas Toussaint… tenta-t-il encore.
    — Je l’ai chargé d’une mission. C’est une expérience… Je veux savoir de quoi il est vraiment capable.
    — Vous l’avez laissé seul dans Paris ?
    — Allons ! Ce n’est plus un collégien… Et c’était nécessaire, répondit le maçon sur un air de mystère.
    Il n’en fallut pas plus pour inquiéter son visiteur.
    — Ah bien, murmura ce dernier prudemment. Je suis curieux de vous entendre…
    — Volontiers. Ainsi, vous mesurerez combien je mise sur la confiance.
    Tout doux, se retint de dire Calmés.
    — Dites-moi tout d’abord une chose, mon père : pensez-vous comme moi que ce garçon a vécu assez de choses pour distinguer ce qui va bien ou mal ?
    — Je l’imagine…
    — Oui, bien sûr, vous n’en direz pas plus…
    — J’en serai bien incapable, répliqua-t-il sans préciser s’il refusait de répondre ou n’en savait rien.
    — Le croyez-vous assez aiguisé pour repérer les filous de tout poil ?
    — Continuez, je vous prie, se défila Passe-Muraille .
    — J’ai besoin que quelqu’un me renseigne sur ce qui se passe chez moi quand je n’y suis pas.
    — Chez vous ?
    — Je veux dire sur mes chantiers. Si je viens sur l’un d’eux, on s’active. Si j’en pars, tout s’arrête. Comment savoir qui se joue de moi ?
    — Vous parlez de surveiller vos employés ?
    — En effet. L’idée vient de Toussaint Delaforge lui-même.
    Le préfet de discipline se tendit :
    — Votre fils ne convenait-il pas pour ce genre d’affaire ?
    Pontgallet soupira :
    — Fort à propos, notre jeune apprenti m’a fait remarquer que tous les gens à mon service le connaissaient.
    Delaforge dans le rôle du mouchard, Calmés flairait la filouterie. Que cachait cette invention ? Mais il se garda, là encore, de partager ses doutes, voire son début d’inquiétude, afin de ne pas passer lui-même pour le sycophante 1 .
    — Ne faut-il pas s’y connaître en maçonnerie ? tenta-t-il une dernière fois.
    — Pas pour noter le nom de ceux qui baillent aux corneilles… J’attends les premiers résultats dès ce soir. Au revoir, mon père.

    En rentrant de sa mission, Delaforge fit un compte rendu très détaillé. Il avait les noms des cossards, des tire-au-flanc et même celui des meneurs qui ralentissaient le labeur au prétexte d’être mal payés. Jamais son fils n’avait obtenu d’aussi bons résultats.
    — Je vais les renvoyer sur-le-champ ! tonna le maçon.
    — Permettez-moi d’imaginer autre chose, intervint l’espion.
    Pontgallet tendit l’oreille.
    — Si vous vous séparez de certains, il faudra dire pourquoi.
    Le raisonnement se tenait.
    — Apprenant qu’ils sont surveillés, tous deviendront prudents. Les consignes circuleront d’un chantier à l’autre. « Attention ! Méfiez-vous des têtes inconnues et trop curieuses… »
    Il montra sa manche qui flottait au vent.
    — Je serai bientôt confondu.
    — Que proposerais-tu ? demanda le maçon impressionné par le flegme de son apprenti.
    — Envoyez-moi partout. J’établirai des rapports. Quand le tableau sera complet, agissez au cas par cas, en douceur, prétextant de mauvaises affaires pour vous séparer des fainéants. En attaquant de face, vous risqueriez de créer un mouvement de révolte auquel se joindraient les bons éléments.
    — D’où te vient ce savoir ? murmura le maître.
    — Au pensionnat, les qualités individuelles étouffaient sous la tyrannie du nombre. Ainsi, la masse se protégeait. Ne provoquez pas les médiocres qui font corps pour se sauver.

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