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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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pas le fort de Duchêne, il ne chercha pas à calculer. On l’accusait, il fallait se défendre.
    — Qu’est-ce que tu connais à mon métier, l’infirme ? jeta-t-il en serrant les poings.
    Delaforge aimait qu’on lui résiste. Il grimaça, plus décidé que jamais : — Tu joues les malins. Tu te crois fort ?
    — Des gringalets comme toi, j’en ai maté plus d’un. Dégage !
    — Si je tourne les talons, t’es fini. C’est ça que tu veux ?
    Le séide de Pontgallet fit deux pas en avant :
    — Allez ! dis-le. Donne-moi l’ordre de partir… J’en crève d’envie.
    Tant d’assurance troubla Duchêne. Qui était ce fou ?
    — Dans une heure, Pontgallet sera informé. Je lui dis que toi et les autres, vous le volez. Il me croira. Au mieux, tu n’auras rien à bouffer demain. Mais je ferai en sorte que tu payes davantage.
    De quoi parlait cette grande gueule ?
    — Dis un mot de travers et je ruinerai ta vie… On te traînera devant un tribunal. Tu devras rembourser ce que tu as escroqué. Tes gosses finiront dans la rue ! Car toi, tu iras pourrir en prison.
    Fernand Duchêne se souvint qu’il avait été autrefois condamné pour un petit larcin. L’affaire, bien qu’ancienne, pouvait-elle resurgir ? À l’époque, un juge au nez d’aigle l’avait menacé : un écart et c’était la galère. La peur remonta d’un coup.
    — Cinquante livres, mon bonhomme.
    De l’argent maintenant… Et pourquoi ? Le manchot embrouillait les pensées de Duchêne.
    — C’est la somme que vous tous, vous détournez chaque mois, grâce à ta complicité. Et je connais des juges qui pendent les fraudeurs pour moins que ça.
    Le balafré n’avait pas plus de vingt ans et prenait le dessus sur l’homme mûr.
    — Alors, il y a deux solutions, reprit-il, et c’est toi qui choisis. Ou je file chez Pontgallet, et je lui raconte tout, ou je me tais…
    Pourquoi s’en priverait-il puisque c’était son travail ? Fernand Duchêne n’attendit pas pour le savoir.
    — Tous les mois, j’exige douze livres que tu récupéreras chez tes gars. Une par personne.
    — Tu veux ma mort ?
    — Tu allongeras aussi la journée d’une heure, répondit le rançonneur sur le même ton assuré. Et ça viendra en plus des douze livres.
    Il força davantage la grimace :
    — Il faut bien que je donne quelque chose à notre maître. Si je lui dis que tout va bien et que vous continuez à vous tourner les pouces, il s’en rendra compte. Je serai renvoyé, et il n’est pas sûr que celui qui prendra ma place sera aussi conciliant…
    — Une heure de plus, souffla Duchêne.
    — Tu calcules mal, l’ami. Ici, vous ne travaillez que sept heures tant vous traînassez. J’en reprends une pour rétablir l’équilibre. C’est toujours moins que ceux qui triment ailleurs, et souviens-toi que vous serez payés pour dix. Reconnais que le contrat est bon.
    En face, on calculait vaille que vaille. Douze livres, une par tête, chaque mois. Quoi d’autre ? Une heure de travail en plus. Sinon ? La délation.
    — Tout le monde s’en sort bien… Et réfléchis : as-tu vraiment le choix ?
    Fernand rechignait toujours. Alors, Delaforge tourna les talons.
    — Attends !
    — Non. Si je suis là, c’est que vous êtes en sursis. Pontgallet vous avait déjà à l’œil. Un mot de moi, et c’est fini.
    — Reviens demain…
    — Je serai avec le patron.
    — Ne bouge pas, céda Duchêne. J’en parle aux autres.
    — Dis-leur ce que j’ai décidé. Deux heures de repos au lieu de trois et douze livres pour moi. Ou plus rien ! Et même pire…
    Ceux-là, la masse, le nombre, surveillaient la scène et voyaient bien que le climat n’était pas bon.
    — Oh ! Fernand ! Qu’est-ce qui se passe ? On s’en va ou quoi ?
    — J’arrive ! jeta-t-il. Ne bougez pas.
    Le contremaître serra les poings et fit demi-tour. Delaforge se posa sur un quartier de pierre. Il faudrait un peu de temps pour que ça entre dans les crânes. Duchêne expliqua d’abord le rôle du maudit manchot. On apprit ainsi qu’on était épiés. Tout de suite, les premières dissensions apparurent. Un membre du groupe injuria son voisin, lui reprochant de trop tirer sur la corde. Ils en seraient venus aux mains si Duchêne n’avait mis le holà. Il y avait plus grave : le rançonnage. Un instant, les rangs se resserrèrent. Ça grognait, ça jetait des coups de menton menaçants dans la direction de Delaforge, mais aucun n’osa venir le trouver. Et, faute d’action, les

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