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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Paris et bientôt Versailles…
    — Dans ce cas, partagez-vous les tâches. Proposez une alliance ou une association avec Daliès de La Tour.
    — Un moitié-moitié ?
    — Une direction commune. À ce prix, vous aurez les forges et elles ne vous embarrasseront pas.
    Delaforge avait étudié le rival. Homme d’affaires et puissant financier, Daliès de La Tour avait l’oreille de Colbert car le passé parlait en sa faveur. On lui réclamait des armes, il les fabriquait. On voulait des vêtements pour la marine, il construisait les ateliers et honorait les commandes sans retard et sans dépassement. Et il était encore pressenti comme l’un des fondateurs de la Compagnie des Indes occidentales 1 .
    — Lui-même a trop d’occupations pour s’enfermer dans une seule. Je crois qu’il comprendra que vous lui proposez un partage équitable.
    L’architecte écoutait attentivement et, pour une fois, affichait un calme olympien.
    — Avez-vous d’autres arguments ? finit-il par déclarer.
    — Oui. Et n’y voyez pas une critique, mais…
    — Poursuivez.
    — Samuel Daliès de La Tour possède déjà des forges.
    — En Bourgogne, je crois.
    — Et en Dauphiné. C’est donc qu’il s’y connaît. Aussi, y aura-t-il du bon à profiter de son expertise.
    — Toussaint ?
    — Oui.
    — Vous m’avez convaincu ! J’irai voir Colbert dès mon retour et je lui proposerai un arrangement qui le soulagera car il déteste les conflits.
    Il se frotta les mains et frissonna malgré le feu qui ronronnait.
    — Ce château est humide… Et Paris me manque déjà.
    Bien, une affaire réglée, pensa Delaforge. Et maintenant Pontgallet.
    — Là-bas, quoi de nouveau ? interrogea-t-il sans émotion.
    Le Vau chercha. À Paris ? Son visage se chagrina.
    — Ce pauvre Nicolas…
    — Y avait-il du monde pour son enterrement ?
    — Tous les maîtres-bâtisseurs du roi s’étaient déplacés.
    — Et son épouse ?
    Le Vau se renfrogna :
    — Mon ami, vous avez une ennemie…
    — Pourquoi ? cria-t-il tel l’innocent condamné injustement.
    — Mystère… Elle ne veut rien dire. Je l’ai questionnée, croyez-moi. J’ai juré que vous souffriez de cet éloignement, mais elle n’a pas cédé d’un pouce. Et voulez-vous entendre le fond de ma pensée ?
    — Éclairez-moi, s’inquiéta-t-il.
    — Il s’agit d’une affaire de superstition. D’un côté, elle vous croit responsable de ses maux, et de l’autre, elle se refuse à avancer un mobile sérieux. Pour accepter la vérité, il faut parfois maudire le destin ou rendre quelqu’un responsable de son malheur. Alors, je m’interroge : porteriez-vous malheur ?
    Il éclata de rire aussitôt :
    — Je vous taquine, l’ami ! Ces trois derniers jours à Beaumont montrent ô combien vous m’êtes précieux. Aussi, je vous le répète : pour Madame Pontgallet, laissez faire le temps. La tristesse l’aveugle, mais la raison lui reviendra.
    L’architecte s’empara d’une cuisse de poulet rôti et mordit de bon cœur.
    — Mangeons, Toussaint. N’y pensez plus. Dieu, que c’est bon !
    Eh bien, songea Delaforge, il faut peut-être se fier à Le Vau.
    — Que décide-t-elle pour l’entreprise ? interrogea-t-il cependant.
    Le Vau avala un verre de Bourgogne et soupira lourdement : — Mazière s’est proposé de lui venir en aide, elle a refusé.
    — L’entêtée, bougonna le manchot.
    L’appétit lui manquait. Il ne pensait qu’à la chemise.

    Blessé au cœur. Mort de tristesse. Tombé comme un chêne sur qui la foudre s’était abattue. On expliqua ainsi la mort de Pontgallet et rien d’autre ne surgit au cours des mois suivants.
    L’esprit est ainsi fait qu’il parvient peu à peu à composer avec la douleur. Il ne l’efface pas, mais l’amoindrit au point que souvent le chagrin devient presque supportable. Comment vivre, sinon ? Sans retrouver la joie, Marguerite s’accrocha à ce qu’il lui restait. Sa fille et ses souvenirs. Jusqu’au printemps 1660, on la vit prostrée, incapable d’agir, s’interdisant de passer le seuil de l’atelier, calfeutrée dans la cuisine et abandonnant cette ultime amarre pour se traîner jusqu’au lit conjugal où elle s’effondrait et pleurait à chaudes larmes. Anne vivotait de même. Le dimanche, on apercevait les deux à l’église, habillées en noir, fichu sur la tête, fuyant l’assemblée avant le ite missa est concluant l’office. Aux beaux jours, on apprit qu’Anne était partie se reposer chez une tante,

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