Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
humaine que le racontait Le Floch, gentille et désolée pour eux. Et combien il était touchant de voir cette veuve leur accorder de l’attention quand elle-même connaissait le malheur. Sa générosité fut telle qu’elle proposa de les héberger une nuit dans les combles. Pour cela, elle monta mettre en ordre la chambrette qu’occupait autrefois un apprenti, car elle ne s’y rendait plus.
    C’est en soulevant la paillasse servant de lit qu’elle découvrit une chemise encrassée de sang séché. Elle resta interdite, muette, cherchant d’abord d’où venait ce linge, à qui il appartenait. Soudain, elle comprit et sa bouche se mit à trembler. Le Faillon vit combien elle était bouleversée, mais n’en sut pas la raison. Au prix d’un effort douloureux, Marguerite trouva assez d’énergie pour ramasser le linge et tourna les talons, glissant de dos et d’une voix formidablement égale qu’elle descendait préparer le repas. Quand ils se retrouvèrent, Madame Pontgallet avait recouvré sa contenance et exigea qu’on ne parle pas à sa fille Anne de cette chemise, de peur de réveiller le souvenir du drame survenu trois mois plus tôt. Le Faillon imagina qu’il y avait un rapport avec la mort de son mari ou de son fils. Rien de plus ne fut dit.
    La veillée fut lourde et silencieuse. Le chagrin rendait muette Anne, une jeune fille assez fade, et sacrément arrondie du ventre. En montant se coucher, le petit dans les bras, Le Faillon murmura à l’oreille de son épouse que la fille de la maison était sans doute grosse. Enceinte, voulait-il dire. Or le mari ne se montrait pas. Il en conclut que la mère et sa fille bravaient plus de malheurs qu’eux. Épuisé, Le Faillon se réveilla un peu tard. En descendant, il ne vit personne dans la cuisine, mais du lait et du pain trônaient sur la table. Alors qu’il attendait timidement, interdisant au fils de toucher à la nourriture, et se demandant que faire, Marguerite entra. Elle ôta son fichu et sourit tristement.
    — Je viens de rendre visite au maître-bâtisseur Bergeron et j’ai de bonnes nouvelles, monsieur Le Faillon. Il vous engage.
    Le bûcheron sentit les larmes lui venir.
    — Attendez. Il y a une condition.
    Il aurait tout accepté.
    — Il faudra vous installer à Versailles.
    — Versailles ? répéta-t-il, ignorant tout de l’existence de cet ancien relais de chasse royal.
    — Un château que possède le roi. Il y entreprend de nombreux travaux et Monsieur Bergeron a besoin d’y établir une base. Il lui faut des gens solides.
    Travailler pour Louis XIV. Même Petit-Jean applaudit.
    — Madame, balbutia Le Faillon, vous me faites si confiance ! Et ce Monsieur Bergeron…
    Elle leva un bras :
    — Ne vous réjouissez pas trop vite. Le labeur sera difficile.
    — M’en croyez-vous capable ?
    — Le seul fait que vous en doutiez m’en convainc. Et puis, Le Floch, le compagnon de mon cher mari, m’avait parlé de vous. Il m’a dit en rentrant de l’enterrement de son père qu’il avait bénéficié de votre gentillesse. Vous ne pouviez avoir de meilleur avocat.
    Elle se tourna vers l’épouse :
    — Vous avez un bon mari… Veillez sur lui.
    Elle s’arrêta un instant, le cœur étreint par l’émotion.
    — Allons, se reprit-elle, le plus dur reste à faire. N’en doutez pas, monsieur. Bergeron vous demandera beaucoup.
    Le Faillon s’en moquait. Il avait du travail et pourrait donner à manger aux siens. Soudain, il pensa à Le Floch :
    — Qu’est-il devenu ?
    La tristesse s’empara de nouveau de Marguerite Pontgallet.
    — Il nous a quittés après la mort de mon mari. Depuis, je suis sans nouvelles.

    Dire que la vie est belle serait exagéré. Bergeron est exigeant, dur avec ses équipes, et Versailles ne plaît pas à la femme de l’ancien bûcheron. Le climat ne serait pas bon, leur fils tousse, crache parfois du sang. Mais, au moins, Le Faillon s’en sort vaille que vaille. Tous les jours, on l’embauche et, chaque semaine, Bergeron le paye. Deviendra-t-il compagnon ? Il en doute. Versailles n’est pas Paris et ce qu’on y construit n’a rien à voir avec les beaux hôtels particuliers. Avant tout, il terrasse.
    Le gros du chantier se situe dans les jardins, où, à l’exception d’une ménagerie et d’une orangerie, rien de grand et de beau n’est prévu. Du moins, à sa connaissance. Alors, il retourne la terre, l’œil fixé sur le vieux château du père de Louis XIV. À quoi bon un grand parc pour

Weitere Kostenlose Bücher