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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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près de Limoges. Elle dépérissait et sa mère assurait qu’elle se sentait assez forte. On critiqua sa fille en silence, et salua plus encore la volonté inflexible de Marguerite. Mais combien de temps tiendrait-elle, entourée de ses morts ?
    Ceux qui ne l’abandonnaient pas décidèrent qu’il fallait un changement. Mazière fut reçu chez elle afin de parler de l’entreprise. Il y avait urgence. Les frais couraient, l’argent rentrait peu. Le mieux était qu’elle se remarie, et il y avait bien Étienne Papon, maître général des œuvres des pavés des Bâtiments du roi qui, lui-même, était veuf et se réjouirait d’épouser une femme encore belle. Papon était du clan Villedo lié par mariage à celui de Bergeron. Voilà qui suffisait pour sauver ce que Nicolas avait bâti. Marguerite sourit tristement. Et refusa. Trois apprentis qui lui restaient fidèles achevaient un reliquat de commande conclue avant la disparition de leur maître. Mais après ? Mazière se retira. Le soir, les maîtres maçons se réunirent et décidèrent, puisqu’ils étaient cent, de céder chacun un centième de leurs travaux à la veuve Pontgallet. Il s’agissait du gros œuvre le moins complexe. Des tranchées pour les fondations, des murs simples à monter et un peu de terrassement quand le terrain n’était pas accidenté. Assez pour que Marguerite survive. On la vit ainsi aller sur les chantiers et se montrer adroite avec ses hommes, ferme et conciliante à la fois, et son attitude droite plut. Sans le dire, on trouva du mieux par rapport au temps du pauvre Jean et du maudit Delaforge. De même, chez nombre de clients, la femme avait de l’autorité dès qu’il s’agissait de questions domestiques – et, par définition, la maison en était une. Au moment de choisir entre deux entreprises, Marguerite l’emporta souvent par solidarité de la gent féminine. On admirait son courage.
    L’année se déroula ainsi et une autre débuta. Anne ne rentrait pas et on comprit pourquoi en apprenant qu’elle s’était trouvé un mari. Marguerite fit le déplacement à Limoges au printemps 1662 car sa fille allait mettre au monde un enfant. La veuve revint vite, après la naissance, annonçant que la jeune maman restait en province. Elle s’y sentait bien, entourée d’une fille belle et grande pour son âge et d’un mari, généreux et fidèle. Marguerite espérait qu’ils « monteraient » un jour tous les trois à Paris, si l’affaire résistait. Et n’était-ce pas la preuve que la vie est plus forte que la tristesse ?
    Delaforge avait suivi de loin la renaissance des Pontgallet. Le temps passait, ses craintes se dissipaient – et le meurtre de Jean, aussi. Il restait la chemise dans la chambre qu’il n’avait pas récupérée, mais, au fil des mois, cet ennui perdait de son acuité, et tout ne le poussait-il pas à aller de l’avant ?
    Le Vau travaillait sur le collège des Quatre-Nations, un projet gigantesque. Versailles naissait. Colbert et le roi le réclamant de plus en plus souvent, l’architecte sollicita Delaforge, si excellent à Beaumont. Le temps, en effet, jouait pour tous un rôle important et Toussaint n’échappa pas à la règle. Il s’en servit pour s’amnistier. Rien ni personne ne freinerait son projet.
    1 - Cette compagnie créée par Colbert en 1664 sera dissoute en 1674. Elle remplace la Compagnie des Cent-Associés (Voir 1630, La Vengeance de Richelieu , même auteur), poursuivant l’espoir de peupler le Canada en utilisant notamment les profits tirés du commerce du sucre en Guadeloupe.

Chapitre 32
    P ETIT- J EAN PLEURE . Il a mis ses vêtements les moins abîmés et il pleut en ce jour de septembre 1663. Sa mère lui répète de venir s’abriter sous le porche d’une cabane de fortune, construite de bric et de broc dans le vieux bourg de Versailles. Le gamin ne cède pas. Il veut voir passer le jeune roi dans ses beaux habits et son grand carrosse tiré par quatre puissants chevaux blancs.
    — Rentre, maintenant, sinon ton père va te donner une rouste.
    La rouste ou volée est un mot de l’Ouest. La mégère qui vient de menacer son fils est née dans ce coin-ci. Il y a trois ans, elle a suivi son mari, Le Faillon, un ancien bûcheron aux mains larges qui sait manier la cognée et le pic. Depuis l’aube, ce dur au labeur terrasse les abords du château comme cent autres hommes avançant mètre après mètre, poussés par les aboiements de Gaillard, le contremaître du

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