Un jour, je serai Roi
mode est aux antiques, aux statues. L’Italie n’en manque pas. On nous en réclame à Paris…
— Tout ceci est intéressant. S’agit-il de choisir, d’acheter ?
— De négocier aussi. Et sous le manteau…
— Qu’entendez-vous par là ?
— Un trafic, Antoine. Le Vatican s’oppose au pillage de l’Italie. Il faut donc convoyer ces reliques dans la clandestinité.
— Dieu ! vous me parlez de commettre des… irrégularités et…
— Le chargement, coupe Delaforge, se monte à un million de livres. Cinquante statues. Cent mille pourraient vous revenir…
— Cent mille, dites-vous…
— Vos dettes seraient effacées d’un coup. Qu’y a-t-il de mieux pour l’art que de l’exposer dans les palais et les hôtels du royaume de France ? Qui volerez-vous ? Personne puisque ces statues n’ont pas de propriétaire. À l’inverse, nos clients se comptent parmi les grands, et les noms que je pourrais citer vous surprendraient. Il s’agit des vôtres, de votre monde. De celui dans lequel vous voulez revenir…
— Il faut que j’y réfléchisse, cède Voigny. C’est si nouveau…
— Bien sûr, rien ne presse, sourit Delaforge. Le convoi ne part que demain. Il vous reste jusqu’à midi pour vous décider.
1 - Vision précieuse du cheminement amoureux, Tendre est un pays imaginaire dans lequel le cœur croise les villages Jolis-Vers, Billet-Doux et Billet-Galant, mais évite le lac d’Indifférence et la mer Houleuse, symbole de passion. Aubignac inventera la Carte de la Coquetterie , pamphlet contre l’invention précédente…
2 - Hommes de lettres et poètes du siècle.
3 - Deux familiers des salons de Rambouillet et de Mademoiselle de Scudéry.
4 - Jeu d’adresse inspiré des tournois chevaleresques consistant à attraper avec le bout d’une lance un anneau suspendu à un poteau. Le tout à cheval…
5 - Ceux qui entretiennent la voirie.
6 - Un usage féodal, au temps où la Cour était nomade, obligeait à recevoir le roi et sa suite – et bien sûr, gratis pro Deo.
Chapitre 37
L E M ARQUIS DE L A P LACE n’apprécie pas les cérémonies, l’outrance bruyante et stérile des oisifs, les mots pour le plaisir de briller, aimer se faire remarquer. Sa vie se partage entre la quiétude de son hôtel de la rue de la Couture-Sainte-Catherine et son domaine en province, aux limites de l’Anjou et de la Touraine. Il fait sienne la douceur angevine vantée par Joachim du Bellay dans son poème, Heureux qui comme Ulysse . Quand il demeure à Paris, il ne se sent pas pour autant en exil. Il apprécie l’effervescence de la rue, l’émulsion des nouveaux esprits, même s’il leur préfère le génie des humanistes. Ceux au goût du jour s’écouteraient trop parler. Son modèle reste Henri IV et son époque, teintée de tolérance et de retenue. Des qualités qu’il ne retrouve pas chez Louis XIV, impétueux et fougueux, et dont le règne s’annonce démesuré. Les fêtes des Plaisirs de l’Isle enchantée auxquelles il s’est rendu contraint et forcé en sont la preuve. Nul moyen d’échapper à la débauche. Défilés costumés, agapes, ballets, spectacles, tournois, ribambelles de musiciens, d’artistes, de décors… Trop de tout en somme. Ce nouveau Camp du Drap d’or 1 ne le séduit pas. Le marquis est-il bigot ? Pas le moins du monde. Ce veuf encore vert aime les frasques et, de temps à autre, il ne lui déplaît pas de s’encanailler comme au temps de sa jeunesse. On le voit, alerte et mince – un beau quinquagénaire –, marchant droit, moustache fine et taillée de près, détaillant ces dames qui piaffent d’impatience et se mêlent à la bousculade à l’annonce de la prochaine collation. Mais ce soir, il reste à l’écart et fuit le frôlement des corps alors que l’allée rétrécit et que la nuit tombe. La pagaille l’agace.
Hélas, tout est de la sorte chez Louis le Grand. L’exubérance est son mode de vie. Il aime le faste, la compagnie des femmes, la danse – plus encore, la campagne versaillaise. Que trouve-t-il à ce vieux château sans confort, gardé à l’entrée par deux petits pavillons coiffés d’une toiture en ardoise rehaussée en dôme ? Voilà le lieu choisi pour organiser les extravagants plaisirs de cette Isle enchantée . Car, ce soir, c’est sans limites. À l’inverse du roi béarnais dont le goût, selon le marquis, était aussi sobre que sûr, masculin et viril, son petit-fils se passionne pour un style que l’on
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