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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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par un œil-de-bœuf de petite taille. On y trouvait le strict nécessaire et pour seul décor un christ de facture modeste qui voulait signifier que la foi sincère est avant tout intérieure et n’a nul besoin de représentation somptuaire. Jésus se montrait en bois, sans couleurs, sans dorures et se noyait dans la pénombre de l’antre de Joseph de Marolles. Le jésuite avait installé devant la croix un prie-Dieu recouvert d’un velours patiné par les heures passées à se recueillir. Il était sans âge, si bien qu’on ne pouvait dire si la marque des genoux ancrée dans le coussin illustrait la dévotion de son actuel propriétaire ou celle d’un plus ancien.
    Pour que le visiteur ne doute pas que ce révérend était habité par un fervent esprit de pénitence, une haire, cette petite chemise fabriquée dans le crin de la chèvre, était posée sur le prie-Dieu, en évidence. Portée pendant le carême, la haire brûlait la peau, provoquait d’infinies souffrances – sans qu’on puisse les comparer à celles du Fils de Dieu. On y gagnait une place au paradis, du moins l’espoir du pardon de ses péchés.
    Quels étaient ceux du révérend père Marolles ? Son hôte, Philippe de Voigny, marquis de La Place, n’en voyait aucun et quand il rendait visite à son confesseur, lui seul parlait de ses fautes, avouant surtout son penchant pour la luxure. Marolles aimait orchestrer ces rendez-vous avec son bienfaiteur qui, en échange de pénitences fort modestes, et bien étudiées pour soulager son âme, lui accordait le gîte et le couvert. Le marquis s’agenouillait sur le prie-Dieu, Marolles allumait le cierge posé sur son bureau encombré de peu de choses, pour tout dire d’une Bible dont le coin des pages était éreinté tant elles avaient été tournées. Les deux se signaient. Alors, la litanie commençait. Mon père, j’ai péché… Marolles aurait pu réciter par cœur ce qu’il entendait chaque semaine. Dévergondages et sauteries avec le commun de la société. Des bonnes, des servantes, des filles de la campagne du domaine d’Anjou auquel le marquis rendait visite chaque mois pour recevoir ses intérêts, chasser et surtout forniquer. L’homme était vert. Son épouse décédée. La nature a ses exigences… Amen.
    Le pardon accordé, Philippe de Voigny se sentait mieux, plus léger. Pour ainsi dire, libéré. Cela ouvrait son appétit. Le cycle reprenait. Manger, boire, chasser… La suite ne se faisait pas attendre. Mais, en échange d’une tirade morale, calculée au plus juste pour ne pas écorner ces bonnes relations, y ajoutant un soupir ou deux racontant mieux qu’un discours la mansuétude du jésuite, La Place s’en retournait aux us et coutumes habituels du oisif. Et Marolles profitait des rentes de son hôte.

    C’est ainsi qu’il avait aussi en charge les bonnes œuvres qu’un marquis doit aux pauvres. Marolles, la bourse pleine, soulageait la misère au gré de ses rencontres, recevant l’indigent en lieu et place de Voigny, trop occupé ailleurs. Parfois, il l’accompagnait en Anjou et pendant que le propriétaire usait du droit féodal de cuissage, il disait des messes, entendait les paysans en confession, bénissait les enfants, baptisait et délivrait les derniers sacrements. Un noble aussi riche que le marquis de La Place a son prêtre à demeure, autant qu’un cuisinier ou un valet de chambre. Marolles remplissait ses fonctions avec discrétion et sagesse et pour rien au monde son commanditaire n’aurait brisé cette entente féconde pour l’un et pour l’autre.
    Il avait été assez facile d’expliquer au marquis que son confesseur hébergeait provisoirement un nouveau-né et qu’il vivait ici, dans cet appartement. Un acte de charité, entendu dans l’indifférence car Voigny ne comprenait rien à la générosité. C’est pourquoi le jésuite existait. Une chose cependant l’étonnait :
    — Pourquoi ne le confiez-vous pas à un orphelinat ?
    Marolles s’attendait à la question :
    — Peu avant qu’elle mette au monde cet enfant, j’ai entendu la jeune mère en confession et son désarroi m’a touché. Aussi, n’ai-je su lui refuser quand elle m’a supplié d’être le parrain de son fils.
    Voigny salua l’altruisme du prêtre. Ainsi, devenait-on saint ? Lui ne l’était pas :
    — Sa présence sous mon toit et, comment dire, délicate. Il ne faudrait pas que les mauvaises langues en profitent. Mon confesseur devine comment cette affaire

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