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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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l’éducation du collège de Montcler n’a rien à voir avec l’excellent collège de Clermont qui s’y trouvait en ces temps-là.

    3 - Axe principal de circulation dans la Gaule romaine, ici pour franchir la Seine, montrant combien Paris mérite le titre de « ville-pont ».

    4 - Rue de la Couture ou de la Culture-Sainte-Catherine. Aujourd’hui, rue de Sévigné, pour y avoir accueilli, dans l’hôtel Carnavalet, la célèbre marquise de Sévigné.

Chapitre 8
    À QUOI RÊVE UN GARÇON de sept ans ? Pour cela, il faudrait qu’il dorme et ce n’est pas le cas de Toussaint. Depuis qu’il est entré à Montcler, chaque nuit s’égraine pesamment. Ce n’est que peu avant l’aube qu’il sombre dans un sommeil agité, fébrile, dont il sort brusquement, sur injonction du surveillant du dortoir qui vocifère et menace le traînard d’une punition. Il doit se lever, poser les pieds sur le sol humide, ouvrir sa couche, montrer qu’il ne l’a pas salie. Il se tient droit, comme au garde-à-vous, hébété de fatigue, dodelinant de la tête jusqu’à ce qu’on s’intéresse au suivant. Alors, un jour nouveau commence.
    Avant, dans le noir le plus profond, il a écouté les bruits de cette salle où s’entassent plus de cent gamins. Il y a tous les âges, et certains ont au moins dix-sept ans, peut-être plus, il ne sait pas. Dès la fin de la prière du soir, exécutée à genoux, mains jointes, les internes doivent s’allonger, remonter leur drap. Ils le font un à un, l’occupant de droite ayant pour mission de border le lit de son voisin. Le dernier est lui-même confiné dans sa méchante couche par le jésuite gardien qui, mission accomplie, jette un regard sur les rangées parfaitement alignées d’une mer lisse, blanche et plate. Ainsi, croit-il, personne ne bougera pendant son sommeil, car si un lit n’est pas d’équerre au réveil, si un garçon a passé une jambe au-dessus de sa couverture, la correction tombe sans entendre la plaidoirie de celui qu’on accuse de s’être levé. C’est interdit.
    Et une seule nuit passée dans ce lieu suffit pour comprendre pourquoi.
    Les heures sombres sont fort contraires aux certitudes du surveillant. Dans le dortoir, on parle à voix basse, on se lève aussi, on circule, se réunit, va d’un lit à l’autre, soupire et pleure. Surtout, on punit. Toussaint Delaforge a compris le sens du mot dureté. Non pas celle des jésuites, hantés par l’idée de l’obéissance, clef de voûte d’un système qui se négocie ainsi : le respect des règles contre la garantie de l’indifférence, le docile étant comme invisible. Imagine-t-on alors qu’il suffit de fléchir pour vivre en paix ? L’erreur vient de là, car, à l’inverse, dans le code gouvernant la société secrète des internes, la soumission est un vice sévèrement corrigé. C’est la loi du plus fort qui, de fait, s’applique en priorité aux plus petits. Ainsi, dans ce monde se disant orchestré, policé, réglementé, règne un état sauvage. Sitôt que le surveillant souffle sur sa bougie, les puissants se relèvent, entrent en scène, s’acharnent. Mais à quoi se reconnaît le faible ? Le premier jour, Toussaint l’a compris.

    Un régent, nom donné au professeur principal chargé de son éducation, avait guidé Toussaint dans les méandres de l’établissement et, sans que l’enfant mesure combien son sort était peu enviable, les premières heures se déroulèrent sereinement. Ici, il apprendrait. Ici, il prierait. Ici, il mangerait. Ici, il dormirait. Quatre temps, quatre lieux qui rythmeraient pour les années à venir, la vie de l’élève. La classe n’avait rien d’exceptionnel et d’ailleurs elle était vide, la matinée de ce premier jour étant laissée au libre choix des régents. Une estrade de bois, un bureau installé dessus, des tables et des chaises. Il fallait voir comment tout cela s’animerait pour juger l’endroit.
    La chapelle, en revanche, fut un choc pour Toussaint. En entrant, il s’y sentit tout de suite à son aise et, pour la première fois peut-être, apaisé. Pourtant, rien ne distinguait les lieux. L’autel, bien que recouvert de marbre, se voulait d’une sobriété monastique, les murs affichaient peu d’icônes et seule une statue de la Vierge éclairait le chœur. La lumière de juin entrait par des vitraux incolores qui reproduisaient l’exacte clarté du dehors. Ainsi, ailleurs, se souvint Toussaint, le soleil brillait encore

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