Un jour, je serai Roi
en contact avec Cinq-Mars, ce comploteur qui voulait éliminer le Cardinal. Après la mort de Richelieu, le mousquetaire revint toutefois auprès du roi.
7 - Formule du XVII e siècle. Aujourd’hui : à tout bout de champ.
8 - Louis XIII chassait beaucoup au faucon.
Chapitre 7
T ROIS ANNÉES se sont écoulées depuis la mort de Louis XIII, le 14 mai 1643, et le Dauphin a grandi. Mais il n’est pas facile d’être à la fois enfant et monarque. Régner devrait lui permettre de gouverner au moins sa vie. Or il n’en est rien. Être roi, n’est-ce pas décider, choisir, commander, ordonner, en lieu et place de la vertigineuse procession de conseils qui, de l’aube à la nuit, l’invite à se vêtir ainsi, à manger ceci et pas cela, ni trop ni trop peu, à décider de l’heure où il se couche et se lèvera ? Il y a pire. Gouverner exige d’apprendre. Roi et enfant, ce couple ne fonctionne pas, surtout quand il s’agit de s’instruire comme n’importe quel sujet. Un roi entouré d’une armée d’ecclésiastiques a-t-il besoin de versifier en latin ? Son précepteur – et directeur de conscience –, Hardouin de Péréfixe de Beaumont, s’entête à lui faire apprendre par cœur la carte de la Terre sainte. Mais lui préfère pincer les cordes de la guitare que lui a offerte la reine et reproduire les beaux airs que lui enseigne le compositeur italien Francesco Corbetta. Ce qu’il aime, c’est jouer avec ses petits soldats pour apprendre la tactique militaire 1 . Et les mathématiques du maître Le Camus, sont-elles utiles aux calculs politiques ? L’histoire ? Il la bâtira. Apprendre à l’écrire ? Quelqu’un le fera pour lui ! Il existe déjà un dénommé Bernard pour lui donner la lecture. Pourquoi suivre les cours d’italien d’Antoine Oudin quand son parrain, Jules Mazarin, maîtrise pour lui les ruses de la langue transalpine ? Le roi aime danser, dessiner. Mais il patiente. Bientôt, il sera un homme. D’ailleurs, n’est-ce pas fait ? Le 9 mars de cette année 1646, alors qu’il avait sept ans, il a triomphé de l’épreuve du passage aux hommes . Pour cela, il a défilé nu comme un ver devant les femmes qui l’ont élevé jusque-là. On l’a trouvé beau et fort. Et le médecin s’est félicité de sa santé. Oui, un jour prochain, il dirigera selon son droit et à sa façon. En homme et en roi. Qui osera alors lui donner des leçons ?
— Vous obtiendrez les résultats que j’espère de vous.
Le petit garçon auquel s’adresse cet homme maigre, habillé de noir, n’est pas Louis XIV et il n’a pas d’autre choix : il doit apprendre. Le 3 juin 1646, à huit heures, Toussaint Delaforge franchit la porte du collège de Montcler 2 , situé rue Saint-Jacques, à Paris, dans le quartier de l’Université. L’illustre établissement longe l’ancien cardo de Lutèce 3 . Créé par les Jésuites, le collège connaît depuis sa création un succès considérable, d’autant que les cours d’un excellent niveau y sont dispensés gratuitement pour les externes. Mais l’école est aussi réputée pour la dureté de son éducation. Personne n’envie le sort des internes. Or Toussaint Delaforge a, comme le roi, sept ans depuis le mois de septembre dernier. C’est l’âge de raison. Son parrain, l’homme en noir qui l’accompagne, a décidé qu’il était temps de l’éduquer. Toussaint entre au collège de Montcler comme pensionnaire.
Au moment de s’y présenter, le parrain de Toussaint tente de prendre sa main, mais celui-ci la lui refuse. Un mouvement d’humeur ? Calmés, le préfet de discipline qui accueille les nouveaux élèves scrute la scène. Il observe chaque enfant car l’expérience lui a enseigné que la première impression est souvent bonne, mais il s’attarde sur ce garçon parce qu’il le juge aussitôt hermétique au monde extérieur, comme enfermé dans ses songes. Un petit sauvage, imagine-t-il, aidé dans ce jugement péremptoire par la physionomie du garçonnet. Il est bosselé de la tête et sa joue gauche est barrée d’une cicatrice dont on ne saurait dire si elle est récente ou ancienne. Les chairs peinent à se refermer, et le futur surveillant général de Toussaint y songe comme aux stigmates d’une souffrance profonde.
— Père Marolles…
Le préfet de discipline vient de saluer sobrement le parrain de Toussaint Delaforge. En effet, c’est également un prêtre. Un jésuite comme son vis-à-vis. Celui qui baptisa Toussaint
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