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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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paupière de Toussaint en garde la trace. Cédant à plus fort que lui, il se mit à genoux, mains dans le dos. Une poigne redoutable le força à ouvrir la mâchoire. Le prêtre renifla.
    — Tu as bu le vin de messe !
    Il ne pouvait s’agir que de ça, d’un larcin méritant une lourde peine. Pourquoi chercher une autre cause ? Le garnement s’est caché pour voler ! Conduit chez le Supérieur, Delaforge a d’ailleurs refusé de s’expliquer. Tant d’impertinence, de mépris méritaient un verdict exemplaire. Le martinet redressera l’âme et le corps du pêcheur. Quoi d’autre ? Calmés est chargé de faire une déclaration publique et, lui, l’exécuteur d’une méthode séculaire qui a maté les plus coriaces, agit la conscience tranquille. À présent, il glisse le manche du martinet à la ceinture de sa soutane et, d’une voix neutre, annonce la suite de la sentence :
    — Jusqu’au premier jour de l’Avent, vous vous tiendrez chaque matin, bras tendus, genoux fléchis, face contre ce mur, et ce, pendant une heure.
    Ceux qui ont subi cette punition savent combien la position est douloureuse.
    — Vous laverez le dortoir à grande eau, quatre dimanches à la suite.
    Quand le froid vient, les mains se raidissent. En hiver, elles se crevassent. Il faut attendre midi pour pouvoir tenir une plume. Et si les devoirs ne sont pas faits, on ajoutera une nouvelle punition.
    — Pendant six jours, votre dîner sera de pain noir, la prière se chargera de nourrir votre esprit dissolu. Maintenant, retournez tous en étude.
    C’est fini. Le groupe se délite en silence. En passant devant la victime, Ravort crache sur sa veste, mais Toussaint ne bronche pas. Il se moque de ce garçon cruel, de ces messieurs déguisés en noir, des élèves. Lui se sait fort. Son esprit ? Calmés peut tenter de le réformer, il ne matera pas un enfant de sept ans qui croit avoir trouvé le moyen de fuir ce monde. Mieux. De le mettre en coupe réglée.

    L’idée est venue au collégien tandis qu’on l’extirpait avec brutalité de sa cachette. Il fut d’abord ébloui par l’éclat des cierges et ferma les yeux de peur de prendre un nouveau coup. Mais le jésuite le délaissait pour compter le vin.
    En manquait-il ? Le prêtre n’aurait su dire, mais en l’absence de preuves, l’intime conviction se chargea de conclure au forfait.
    — Allons chez le Supérieur !
    Toussaint rouvrit prudemment les paupières et détailla pour la première fois les merveilles que recelait la sacristie. À la différence de la chapelle, le lieu contenait un fatras de tableaux, des statues de saints en bois précieux, des croix ourlées d’argent, toute la garde-robe de l’église, de l’aube au pourpre cardinalice. Il voyait ce que le maçon Nicolas Pontgallet aurait bientôt le droit de détruire puisque Baltius, gardien de ce temple, semblait l’y autoriser. Mais aux yeux de l’enfant, tout ici renvoyait à l’image de la beauté, des prodiges, du miracle. Son regard s’élevait vers une Vierge peinte, aux cheveux brodés de fils d’or. Elle semblait lui sourire, s’apitoyer sur son sort. Mais elle demeurait muette et son regard fixe ne lui était d’aucun secours. Que pouvait la Mère de l’Enfant Jésus ? Rien pour lui, et rien pour elle quand Pontgallet viendrait un jour la faire disparaître. D’un coup de pioche, il les ensevelirait, elle et tous les saints, sous les gravats, mettant fin à la protection exercée autrefois sur les lieux. Une offense si grave méritait les flammes de l’enfer – bien plus que d’avoir bu un peu de vin de messe amer ou grignoté quelques hosties pour soulager la soif et la faim. Qu’avait dit Baltius, celui qui croyait au pouvoir de Dieu et dont la mission sur la terre était de défendre la foi, la religion, les représentations du ciel ? Il ne songeait qu’à savoir ce que lui coûterait la destruction des lieux – le sacrilège du maçon.

    Dans la tête d’un garçon naïf, encore si petit, tout basculait, rien n’allait plus, tout devenait vertigineux. Où se trouvait le Bien et qu’était vraiment le Mal ? Alors que le prêtre le prenait par le col et le poussait dans les travées de la chapelle, il lui sembla découvrir l’autel et la chaire à l’allure plus modeste. Son regard innocent s’attardait sur ce qu’il imaginait un chef-d’œuvre tandis que le prêtre le questionnait férocement, pinçant son bras pour le forcer à répondre.
    — Qu’as-tu encore volé ? Il

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