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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Toussaint, et d’une promesse : secourir un nouveau-né. Il n’avait qu’à conclure ce long discours en évoquant la commisération qui cheminait aux côtés du sacerdoce du jésuite. Persuadé d’avoir été reçu par la charité même, Calmés se laisserait guider vers la sortie. Hélas ! ce ne fut pas du tout ce qui se produisit. Son visiteur connaissait ce récit depuis le jour où Marolles s’était présenté à Montcler pour y faire accepter son filleul. Il trouvait l’histoire quelque peu idéale. Parfaite. Proprette, en réalité. Il en désirait plus.
    — Avez-vous creusé la piste ? rebondit Passe-Muraille en ne lâchant pas les accoudoirs de son fauteuil.
    — Que voulez-vous dire ? balbutia l’autre.
    — Avez-vous cherché à savoir qui était cette jeune femme ? Si elle avait des parents ? Toussaint n’avait-il vraiment aucune famille ?
    Calmés le fixait de cet air qui effrayait les collégiens :
    — D’ailleurs, comment s’appelait-elle ?
    — Marie, chuchota Marolles, pris au piège.
    On lui arrachait les tripes.
    — Rien d’autre ? ne céda pas l’inquisiteur.
    — Je le jure…
    Des mots qui heurtaient le préfet de discipline, tant ils avaient été prononcés sans l’once d’une conviction.
    — Dans ce cas… murmura-t-il simplement.
    Marolles se leva pour en terminer. Il étouffait.
    — Si vous découvrez quoi que ce soit… recommença Calmés.
    — C’est entendu, le coupa-t-on aussitôt en tendant une main pressée de dire adieu.
    Mais Calmés la retint. Sa poigne était ferme. Marolles s’affola.
    — Je dois vous apprendre ceci…

    La probité du préfet de discipline l’obligeait à aborder le cas de Ravort et la menace qui planait sur Toussaint Delaforge. Il serait puni gravement… Marolles ne répondit rien, mais se convainquit que ces événements ne tournaient pas totalement au désastre. Voilà qui le sauvait et rendait ce garçon infréquentable. On le trouverait avec son trésor. Le vol s’ajouterait à la barbarie d’une défenestration. Et adieu ! La scène s’éclairait, le poids se fit moins lourd. Il se mordit les lèvres pour ne pas sourire, mais Passe-Muraille nota le rictus que n’avait pu retenir Joseph de Marolles en apprenant que son filleul hériterait peut-être de la galère pour la tentative de meurtre sur un élève. Oui, derrière les manières policées et l’affliction de façade, se cachait une réjouissance malsaine, comme s’il s’en félicitait, comme si la chape de plomb qu’il portait depuis des années venait de se dissoudre. Le sort de son filleul ne lui appartenant plus, se sentait-il comme libéré de ses obligations ?
    Tant d’indifférence et de dédain pour le sort d’autrui firent douter le préfet de discipline. Aiguisé par la fréquentation des pensionnaires et se reprochant de ne pas avoir vu venir le conflit entre Delaforge et Ravort, Calmés se méfiait de plus en plus de tout, et, ce jour-là, de Marolles en particulier. Sitôt franchi le seuil de l’hôtel des La Place, il rejoignit le collège, espérant que son élève y serait revenu. Il se donna une semaine avant de retourner voir Marolles. Cette fois, le parrain ne cacha pas son agacement. Il fallait en déduire que celui-ci tournait la page. Ou qu’il refusait de coopérer.
    — Je vais être franc, dit-il en recevant le préfet de discipline debout, dans l’entrée, et sans égard. Je me porterais mieux si je n’entendais plus parler de ce misérable.
    Il semblait à bout de nerfs.
    — Cette… erreur de la nature, ajouta-t-il sans réfléchir.
    La haine apparaissait, mûrissait. Calmés la laissa s’épanouir en se gardant de réagir.
    — Oui, je regrette que mes pas m’aient conduit sur le quai du Pont-Neuf. Je regrette ma générosité, ou plutôt la curiosité qui m’a conduit vers cette femme. J’y songe comme à un égarement…
    Sans doute comprit-il, mais un peu tard, les conséquences de ses mots. L’opprobre était si définitive qu’il crut bon de se justifier :
    — Ai-je tort de parler ainsi ? Voyez le mal que ce foutriquet produit. Par sa faute, un de vos collégiens est infirme. Qu’allons-nous apprendre encore ? Il aura volé ? Tué pour de bon ?
    Sa voix se mit à trembler :
    — Une nuit, j’ai tourné le regard vers la misère des autres. Mais ce fut peut-être… Oui, c’était une erreur… Une faute capitale…
    Plus rien du poseur n’existait.
    — Qui me guidait alors ?
    Il fixa Calmés intensément,

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