Un long chemin vers la liberte
devenu un des responsables clandestins de l ’ ANC.
Nos nouvelles installations ne valaient guère mieux que les anciennes et le club n ’ a jamais été reconstitué. Les boxeurs africains, comme tous les athlètes et artistes noirs, se heurtaient au double handicap de la pauvreté et du racisme. L ’ argent que gagnait un boxeur africain lui servait à payer sa nourriture, son loyer, ses vêtements, et il utilisait le reste pour son équipement et son entraînement. Il n ’ avait pas la possibilité d ’ être membre d ’ un club de boxe pour Blancs avec l ’ équipement et les entraîneurs nécessaires pour former un boxeur de premier plan et de classe internationale. Contrairement aux professionnels blancs, les professionnels noirs travaillaient à plein temps. Les sparring-partners étaient peu nombreux et mal payés ; les résultats souffraient d ’ un manque de pratique et d ’ exercice. Pourtant, un certain nombre de boxeurs, africains étaient capables de triompher de ces difficultés et obtenaient de grands succès. Des hommes comme Elijah (Maestro) Mokone, Enoch (Schoolboy) Nhlapo, Kangaroo Macto, un des plus grands stylistes du ring, Levi (Golden Boy) Madi, Nkosana Mgxaji, Mackeed Mofokeng et Norman Sekgapane ont tous remporté d ’ éclatantes victoires, et Jake Tuli, notre plus grand héros, a remporté le titre de champion de Grande-Bretagne et de l ’ Empire des poids mouche. C ’ est là l ’ exemple le plus éloquent de ce que pouvaient faire les boxeurs africains quand on leur en donnait la possibilité.
CINQUIÈME PARTIE
Le procès de trahison
23
Le matin du 5 décembre 1956, juste après l ’ aube, des coups violents à ma porte m ’ ont réveillé. Aucun voisin ni aucun ami n ’ avait jamais frappé de façon aussi péremptoire et j ’ ai su immédiatement qu ’ il s ’ agissait de la police de sécurité. Je me suis habillé en vitesse et j ’ ai trouvé le commissaire Rousseau, un visage connu dans notre quartier, et deux policiers.
Il m ’ a montré un mandat de perquisition et ils ont commencé immédiatement à passer la maison au peigne fin, à la recherche de documents ou de papiers compromettants. Mais les enfants se sont réveillés et, d ’ un regard sévère, je leur ai indiqué de rester calmes. Ils me regardaient pour que je les rassure. Les policiers fouillaient les tiroirs, les placards, les meubles, partout où l ’ on aurait pu cacher des documents interdits. Au bout de quarante minutes, Rousseau m ’ a dit d ’ un ton très naturel : « Mandela, nous avons un mandat d ’ arrêt. Suivez-moi. » J ’ ai regardé son mandat et les mots m ’ ont sauté au visage : « Hoogverraad — Haute Trahison ».
Je les ai accompagnés jusqu ’ à leur voiture. Ce n ’ est pas agréable d ’ être arrêté devant ses enfants, même si l ’ on sait que ce qu ’ on fait est juste. Mais les enfants ne comprennent pas la complexité de la situation ; ils voient simplement leur père emmené par les autorités blanches, sans aucune explication.
Rousseau conduisait et j ’ étais assis à côté de lui, sans menottes. Il avait aussi un mandat de perquisition pour mon bureau en ville, où nous sommes allés après avoir laissé les deux autres policiers dans un quartier voisin. Pour rejoindre le centre ville, nous devions prendre une route désolée qui traversait une zone non habitée. J ’ ai fait remarquer à Rousseau qu ’ il fallait qu ’ il soit sûr de lui pour rouler seul avec moi sans menottes. Il est resté silencieux.
« Que se passerait-il si je sautais sur vous et si je vous maîtrisais ? » lui ai-je demandé.
Rousseau a eu l ’ air mal à l ’ aise. « Vous jouez avec le feu, Mandela.
— J ’ en ai l ’ habitude.
— Si vous continuez sur ce ton, je vais être obligé de vous mettre les menottes, a-t-il répondu d ’ un ton menaçant.
— Et si je refuse ? »
Nous avons continué ainsi pendant quelque temps, mais quand nous sommes entrés dans une zone habitée près du commissariat de Langlaagte, Rousseau m ’ a dit : « Mandela, je vous ai bien traité, j ’ espère que vous allez en faire autant avec moi. Je n ’ aime pas vos plaisanteries. »
Après un bref arrêt au commissariat, accompagnés d ’ un autre policier, nous sommes allés à mon bureau, qu ’ ils ont fouillé pendant trois quarts d ’ heure. Puis ils m ’ ont emmené à Marshall Square, la prison en brique rouge
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