Un long chemin vers la liberte
Winnie de porter une robe xhosa au tribunal.
On nous a autorisés à passer les trois semaines suivantes ensemble pour préparer notre défense. Je me suis retrouvé parmi mes coaccusés et leur présence agissait sur moi comme un tonique. En tant que prisonniers en attente de jugement, nous avions droit à deux visites d’une demi-heure par semaine et on pouvait recevoir chaque jour un repas de l’extérieur. J’ai vite repris mes kilos grâce aux délicieux petits plats de Mrs. Pillay.
Pendant que nous préparions notre défense, le gouvernement nous jugeait dans les journaux. Normalement, une affaire qui est sub judice ne peut être commentée dans la presse ou en public. Mais comme les hommes arrêtés à Rivonia étaient détenus d ’ après la loi des quatre-vingt-dix jours, et que, techniquement, ils n ’ étaient pas accusés de crime, ce principe judiciaire passait à la trappe. Tout le monde, y compris le ministre de la Justice, nous traitait de révolutionnaires violents. Les journaux titraient régulièrement : « La Révolution avec des méthodes militaires. »
Le 29 octobre, nous sommes revenus au palais de justice. De nouveau, l’immense foule impatiente ; de nouveau, une sécurité très stricte ; de nouveau, la salle d’audience remplie de représentants de nombreuses ambassades étrangères. Après trois semaines passées avec mes camarades, je me sentais rajeuni et bien plus à l’aise vêtu d’un costume. Nos avocats s’étaient opposés à ce qu’on vienne dans la tenue de la prison et nous avions obtenu le droit de porter nos vêtements personnels. De nouveau, nous avons levé le poing vers la salle et on nous a avertis que si nous recommencions on nous obligerait à comparaître en tenue de prison. Pour empêcher de telles manifestations, les autorités inversèrent l’ordre normal d’entrée. Après la première journée, le juge entra avant les prisonniers et ainsi la séance était déjà ouverte quand nous arrivions.
Nous passâmes immédiatement à l’attaque : Bram Fischer critiqua l’acte d’accusation, disant qu’il le trouvait peu sérieux, mal rédigé, et qu’il contenait des absurdités comme ma participation à des actes de sabotage à des dates où je me trouvait à Pretoria Local. Yutar en fut déconcerté. Le juge De Wet le regarda répondre à Bram Fischer mais, au lieu de fournir des détails, Yutar se lança dans ce que le juge De Wet lui-même appela par dérision un « discours politique ». De Wet se montra impatient devant les maladresses du procureur et lui dit : « Si je comprends bien, Mr. Yutar, l’essentiel de votre argumentation c’est que vous êtes convaincu que les accusés sont coupables. » Alors, De Wet annula l’acte d’accusation et déclara que le procès était clos.
A partir de ce moment, nous étions techniquement libres et il y eut un désordre indescriptible dans le tribunal. Mais nous avons été de nouveau arrêtés avant même que le juge De Wet ait quitté son siège. Le lieutenant Swanepœl tapa sur l’épaule de chacun de nous en disant : « Je vous arrête pour sabotage », et on nous ramena dans nos cellules. Mais même ainsi, le gouvernement avait subi un contretemps car il devait maintenant refaire l’acte d’accusation s’il voulait que ce procès soit le dernier.
L’acte d’accusation fut reformulé et nous revînmes au tribunal début décembre. Nous avons tous ressenti que, dans l’intervalle, le juge De Wet nous était devenu hostile. Nous avons pensé que son indépendance antérieure avait entraîné le courroux du gouvernement et qu’il avait subi des pressions. Nous étions maintenant accusés d’avoir recruté des personnes pour des actes de sabotage et la guerre de guérilla dans le but de déclencher une révolution violente ; nous avions prétendument conspiré pour aider des unités militaires étrangères à envahir la république afin de soutenir une révolution communiste ; et, dans ce but, nous avions sollicité et reçu des fonds de pays étrangers. Les munitions commandées par les accusés, dit Yutar d’un ton dramatique, auraient suffi à faire sauter Johannesburg.
Puis le greffier nous demanda si nous plaidions coupables ou non coupables. Nous nous étions mis d’accord pour ne pas nous défendre de façon traditionnelle mais d’utiliser cet instant pour montrer notre mépris de la procédure.
« Accusé numéro un, Nelson Mandela,
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