Un long chemin vers la liberte
Africains, où se trouvaient les seules places que les Noirs pouvaient occuper, un Blanc est venu contrôler nos tickets. Quand il a vu que j ’ étais monté à Alice, il m ’ a dit : « Tu viens de l ’ école de Jabavu ? » Je lui ai dit oui, et il a poinçonné mon billet en disant que Jabavu était un homme formidable.
Pendant la première année, j’ai étudié l’anglais, l’anthropologie, la politique, l’administration indigène et le droit hollandais. L’administration indigène traitait des lois relatives aux Africains et était recommandée à tous ceux qui voulaient travailler au ministère des Affaires indigènes. K.D, me conseillait d’étudier le droit mais j’avais envie de devenir interprète ou employé des Affaires indigènes. A cette époque, une carrière de fonctionnaire représentait quelque chose d’extraordinaire pour un Africain et le sommet de ce à quoi il pouvait aspirer. Dans les zones rurales, un interprète au bureau du juge était considéré comme l’adjoint du juge lui-même. Dans ma seconde année à Fort Hare, quand on créa un cours d’interprétariat dispensé par un interprète de tribunal en retraite, Tyamzashe, je fus un des premiers étudiants à m’inscrire.
Fort Hare pouvait être un établissement assez élitiste, comme beaucoup d’institutions de haut niveau. Les élèves des grandes classes considéraient les plus jeunes avec hauteur et dédain. Quand je suis arrivé sur le campus, j’ai remarqué Gamaliel Vabaza de l’autre côté de la cour centrale. Il avait plusieurs années de plus que moi et je l’avais connu à Clarkebury. Je l’ai salué chaleureusement mais il m’a répondu de façon froide et distante et m’a fait une remarque désobligeante sur le fait que je dormirais dans le dortoir des bizuts. Vabaza m’indiqua alors qu’il faisait partie du comité de résidence de mon dortoir même si, en tant que grand, il n’y habitait plus. J’ai trouvé cela étrange et anti-démocratique mais c’était la pratique habituelle.
Un soir, peu de temps après, nous étions tout un groupe en train de discuter du fait qu’aucun résident ni aucun nouveau n’était représenté dans le comité de résidence. Nous avons décidé que nous devions abandonner la tradition et élire un comité de résidence composé de ces deux groupes. Nous avons organisé des réunions et nous avons fait campagne auprès de tous les résidents, et quelques semaines plus tard nous avons élu notre propre comité de résidence après avoir vaincu les élèves des classes supérieures. J’étais un des organisateurs et je fus élu dans ce nouveau comité.
Mais les grands ne se laissèrent pas réduire aussi facilement. Ils tinrent une réunion au cours de laquelle l’un d’eux, Rex Tatane, un éloquent orateur de langue anglaise, dit : « Ce comportement de la part de bizuts est inacceptable. Comment des anciens peuvent-ils être renversés par un type arriéré de la campagne comme Mandela, un paysan qui ne parle même pas anglais correctement ! » Puis il se mit à m’imiter en me donnant ce qu’il pensait être un accent gcaleka, et sa claque rit de bon cœur. Le discours moqueur de Tatane ne fit que renforcer notre résolution. Nous, les bizuts, nous constituions maintenant le comité de résidence officiel et nous avons donné les corvées les plus désagréables aux anciens, ce qui était pour eux une humiliation.
Le directeur de l’université, le révérend A.J. Cook, fut mis au courant de la querelle et nous convoqua dans son bureau. Nous avions le sentiment d’avoir le droit de notre côté et nous n’étions pas prêts à céder. Tatane demanda au directeur qu’il nous donne tort mais, au milieu de son discours, il fondit en larmes. Le directeur nous demanda de changer de position mais nous refusâmes de plier. Comme tous les fanfarons, Tatane était brillant mais fragile. Nous informâmes le directeur que s’il nous donnait tort nous démissionnerions tous du comité de résidence, en lui niant toute intégrité ou autorité. A la fin, le directeur décida de ne pas intervenir. Nous étions restés fermes et nous avions gagné. Ce fut une de mes premières batailles avec l’autorité, et je sentis le pouvoir dont on disposait quand on avait le droit et la justice de son côté. Je ne serais pas aussi heureux à l’avenir dans mes combats contre les autorités de l’université.
Mon éducation à Fort Hare se
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