Un long chemin vers la liberte
discutées ; premièrement, la formation d’un gouvernement de la majorité dans un Etat unitaire ; deuxièmement, la position des Blancs sur cette formation ainsi que leur insistance sur des garanties structurelles afin que le gouvernement de la majorité ne signifie pas la domination de la minorité blanche par la majorité noire. Les tâches fondamentales qui attendent le gouvernement et l’ANC seront de concilier ces deux positions.
Je proposais qu’on procède en deux étapes : tout d’abord une discussion pour créer les conditions favorables à une négociation ; ensuite les négociations elles-mêmes. « Je dois vous signaler que l’initiative que j’ai prise vous offre l’occasion de sortir de l’impasse actuelle et de normaliser la situation politique du pays. J’espère que vous la saisirez sans attendre. »
Mais il fallut attendre. En janvier, Botha fut victime d’une congestion cérébrale. Si cela ne l’empêcha pas d’exercer sa fonction de président, il fut affaibli et, d’après ses ministres, cela le rendit encore plus irascible. En février, sans qu’on s’y attende, il démissionna de la direction du Parti national mais conserva son poste de président de la République, une situation sans précédent dans l’histoire du pays : dans le système parlementaire sud-africain, le chef du parti majoritaire devient chef de l’Etat. Le président Botha était maintenant chef de l’Etat mais pas de son propre parti. Certains considéraient cela comme un développement positif : Botha voulait être « au-dessus des partis politiques » pour apporter de vrais changements en Afrique du Sud.
La violence politique et les pressions internationales continuaient à s’intensifier. Dans tout le pays, les détenus politiques avaient observé une grève de la faim obligeant le ministre de la Loi et de l’Ordre {26} à libérer neuf cents d’entre eux. En 1989, l’UDF forma une alliance avec le Congress of South African Trade Unions (COSATU, Congrès des syndicats sud-africains) pour créer le Mouvement démocratique de masse (MDM), qui commença à organiser une campagne nationale de désobéissance civile afin de lutter contre les institutions de l’apartheid. Sur le front international, Oliver avait des conversations avec les gouvernements de Grande-Bretagne et d’Union soviétique, et, en janvier 1987, il rencontra le secrétaire d’Etat américain, George Shultz, à Washington. Les Américains reconnaissaient l’ANC comme un élément indispensable pour toute solution en Afrique du Sud. Les sanctions contre l’Afrique du Sud étaient poursuivies et même renforcées.
La violence politique avait aussi son côté tragique. A cause de l’augmentation de la violence à Soweto, ma femme autorisa un groupe de jeunes hommes à lui servir de gardes du corps quand elle se déplaçait dans le township. Ces jeunes gens indisciplinés et sans formation furent impliqués dans des activités incompatibles avec la lutte de libération. En conséquence, Winnie se retrouva entraînée dans le procès d’un de ses gardes du corps, accusé du meurtre d’un jeune camarade. Cette situation était pour moi très troublante car un tel scandale ne servait qu’à diviser le mouvement au moment précis où l’unité était essentielle. Je soutins entièrement ma femme, qui avait manqué de jugement mais était innocente de toute accusation grave.
En juillet, pour mon soixante et onzième anniversaire, je reçus la visite de presque toute ma famille dans ma maison de Victor Verster. C’était la première fois que je voyais en même temps ma femme, mes enfants et mes petits-enfants, et ce fut une journée merveilleuse et heureuse. L’adjudant Swart se surpassa en préparant un véritable festin, et il ne se formalisa même pas quand je permis à certains de mes petits-enfants de manger le dessert avant le plat principal. Après le repas, mes petits-enfants allèrent dans ma chambre regarder un film d’horreur en vidéo pendant que les adultes bavardaient dans le salon. Avoir toute ma famille autour de moi me procurait un bonheur très profond ; mon seul regret était de savoir que j’en avais été privé pendant tant d’années.
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Le 4 juillet 1989, je reçus la visite du général Willemse, qui m ’ informa que j ’ allais voir le président Botha le lendemain. Il me décrivit la rencontre comme une « visite de courtoisie » et me demanda de me tenir
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