Un long chemin vers la liberte
Shangaan, c ’ est une Swazi. » Mrs. Mabutho était persuadée que je n ’ aurais dû sortir qu ’ avec des filles xhosas.
De tels conseils ne me décourageaient pas. J ’ aimais et je respectais Ellen et je n ’ étais pas peu fier de ne pas tenir compte des avis de ceux qui n ’ étaient pas d ’ accord. Cette relation représentait pour moi quelque chose de nouveau et je me trouvais audacieux d ’ être l ’ ami d ’ une femme qui n ’ était pas xhosa. J ’ étais jeune, un peu perdu dans cette ville, et Ellen ne jouait pas seulement le rôle d ’ une partenaire sentimentale mais aussi celui d ’ une mère qui me soutenait, me donnait confiance, force et espoir. Mais au bout de quelques mois, Ellen a déménagé et, tristement, nous nous sommes perdus de vue.
Il y avait cinq filles dans la famille Xhoma, toutes très jolies, mais la plus belle s ’ appelait Didi. Elle avait à peu près mon âge et pendant presque toute la semaine elle était femme de ménage dans une banlieue blanche de Johannesburg. Quand je suis arrivé dans la maison, je ne la voyais que rarement et brièvement. Mais, plus tard, quand je l ’ ai mieux connue, je suis tombé amoureux d ’ elle. Didi me voyait à peine, elle remarquait seulement que je ne possédais qu ’ un costume rapiécé et une seule cravate et que je n ’ étais guère différent d ’ un clochard. Chaque week-end, Didi revenait à Alexandra. Un jeune homme la raccompagnait et je supposais que c ’ était son petit ami, un type m ’ as-tu-vu, riche, qui possédait une voiture, quelque chose de rare à l ’ époque. Il portait des costumes croisés américains très coûteux, des chapeaux à large bord et apportait beaucoup de soin à son apparence. Ce devait être une sorte de gangster mais je ne pouvais en être sûr. Il restait debout dans la cour, les mains dans son gilet, et prenait un air supérieur. Il me saluait très poliment mais je voyais bien qu ’ il ne me considérait pas comme un rival sérieux.
J ’ avais envie de dire à Didi que je l ’ aimais, mais j ’ avais peur que mes avances ne soient mal reçues. Je n ’ avais rien d ’ un Don Juan. Avec les filles, j ’ étais maladroit et hésitant et je ne connaissais ni ne comprenais rien au jeu de l ’ amour, que les autres semblaient jouer sans effort. Le week-end, la mère de Didi lui demandait parfois de m ’ apporter à manger. Didi arrivait à ma porte avec une assiette et je voyais bien que tout ce qu ’ elle voulait, c ’ était s ’ acquitter de sa mission le plus rapidement possible, mais je faisais tout ce que je pouvais pour qu ’ elle reste un peu. Je lui demandais son opinion sur toutes sortes de choses, je lui posais des questions. « Tu es allée jusqu ’ à quelle classe ? — Jusqu ’ en seconde », me répondait-elle. « Pourquoi as-tu arrêté ? — Parce que ça m ’ ennuyait. — Ah, mais il faut que tu y retournes. Tu as à peu près le même âge que moi, et il n ’ y a rien de mal à recommencer ses études à cet âge-là. Sinon, tu le regretteras quand tu seras plus vieille. Il faut que tu réfléchisses sérieusement à ton avenir. Tout va bien parce que tu es jeune et belle, et parce que tu as beaucoup d ’ admirateurs, mais tu as besoin d ’ avoir une profession indépendante. »
Je me rends compte que ce n ’ étaient pas les paroles les plus sentimentales qu ’ un jeune homme pouvait dire à une jeune fille dont il était amoureux, mais en dehors de ça, je ne savais pas de quoi lui parler. Elle m ’ écoutait avec sérieux, et je voyais bien qu ’ en réalité je ne l ’ intéressais pas, qu ’ elle se sentait même un peu supérieure à moi.
Je voulais me déclarer mais je refusais de le faire parce que je n ’ étais pas certain qu ’ elle me dirait oui. Je l ’ aimais mais je ne voulais pas lui donner la satisfaction de me repousser. Je ne renonçais pas à elle mais j ’ étais timide et hésitant. En amour, contrairement à la politique, en général la prudence n ’ est pas une vertu. Je n ’ étais pas assez confiant pour penser que je pouvais réussir ni assez solide pour supporter l ’ idée d ’ un échec.
Je suis resté environ un an dans cette maison, et à la fin, je n ’ ai rien dit de mes sentiments. Didi ne s ’ intéressait pas moins à son petit ami et pas plus à moi. J ’ ai fait mes adieux en la remerciant pour son amitié et pour l ’ hospitalité de sa famille. Je n ’ ai
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