Un long chemin vers la liberte
naître dans le peuple, que les différences ethniques s ’ estompaient, que les jeunes gens et les jeunes filles se considéraient d ’ abord et avant tout comme des Africains, pas comme des Xhosas, des Ndebeles ou des Tswanas. Lembede, dont le père était un paysan zoulou illettré du Natal, avait suivi des cours pour être instituteur à Adam ’ s College, un établissement du Conseil américain des missions. Il avait enseigné pendant des années dans l ’ Etat libre d ’ Orange, avait appris l ’ afrikaans et avait fini par considérer le nationalisme afrikaner comme un modèle pour le nationalisme africain.
Comme l ’ écrivit plus tard Lembede dans Inkundla ya Bantu, un journal africain du Natal :
L ’ histoire des Temps modernes est l ’ histoire du nationalisme. Le nationalisme a été mis à l ’ épreuve dans les luttes des peuples et dans le feu des batailles, et s ’ est révélé comme le seul antidote au gouvernement étranger et à l ’ impérialisme moderne. C ’ est pour cette raison que les grandes puissances impérialistes s ’ efforcent fébrilement, avec tout leur pouvoir, de décourager et d ’ éradiquer toute tendance nationaliste chez leurs sujets étrangers ; pour cette raison, des sommes d ’ argent fantastiques sont dépensées à profusion en propagande contre le nationalisme méprisé parce que réputé « étroit », « barbare », « inculte », « démoniaque », etc. Certains sujets étrangers sont dupes de cette propagande sinistre et en conséquence deviennent les outils ou les instruments de l ’ impérialisme qui vante leurs services avec des épithètes telles que « cultivés », « ouverts », « progressistes », « libéraux », etc.
Les conceptions de Lembede faisaient vibrer une corde en moi. Moi aussi, j ’ avais été sensible au paternalisme du colonialisme britannique et à l ’ affirmation que les Blancs nous considéraient comme « cultivés », « progressistes » et « civilisés ». Jetais déjà attiré dans l ’ élite noire que les Britanniques cherchaient à créer en Afrique. C ’ était ce que tout le monde, du régent à Mr. Sidelsky, avait souhaité pour moi. Mais il s ’ agissait d ’ une illusion. Comme Lembede, j ’ ai fini, moi aussi, par voir l ’ antidote dans le nationalisme militant africain.
L ’ ami et l ’ associé de Lembede était Peter Mda, qu ’ on appelait A.P. Alors que Lembede avait tendance à l ’ imprécision et au verbiage, Mda était équilibré et exact. Lembede pouvait rester vague et mystique, Mda était précis et scientifique. La nature pratique de Mda ouvrait une voie parfaite à l ’ idéalisme de Lembede.
D ’ autres jeunes pensaient les mêmes choses et nous nous réunissions pour en parler. En plus de Lembede et de Mda, il y avait Walter Sisulu, Oliver Tambo, le Dr. Lionel Majombozi, Victor Mbobo, mon ancien professeur de Healdtown, William Nkomo, un étudiant en médecine, membre du Parti communiste, Jordan Ngubane, un journaliste du Natal qui travaillait pour Inkundla et pour le Bantu World, le plus fort tirage des journaux africains, David Bopape, secrétaire de l ’ ANC pour le Transkei et membre du Parti communiste et d ’ autres. Beaucoup pensaient, peut-être de façon injuste, que l ’ ANC était devenu le territoire réservé d ’ une élite africaine fatiguée, non militante et privilégiée, plus attentive à protéger ses propres droits que ceux des masses. Le consensus général était qu ’ on devait engager une action et le Dr. Majombozi a proposé de créer une Ligue de la Jeunesse afin d ’ allumer un incendie sous la direction de l ’ ANC.
En 1943, une délégation, comprenant Lembede, Mda, Sisulu, Tambo, Nkomo et moi-même, est allée voir le Dr. Xuma, président de l ’ ANC, dans sa résidence de Sophiatown. En plus d ’ une petite ferme, le Dr. Xuma avait chez lui un cabinet médical. Il avait joué un rôle important à l ’ ANC. Il l ’ avait tiré de l ’ état d ’ assoupissement dans lequel l ’ avait laissé le Dr. Seme, au moment où l ’ organisation s ’ était réduite en nombre et en importance. Quand il en était devenu président, l ’ ANC avait 17 shillings et 6 pence en caisse et il en avait monté le contenu à 4 000 livres. Les chefs traditionnels l ’ admiraient, il avait des relations avec les cabinets ministériels et il donnait un sentiment de sécurité et de
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