Un long chemin vers la liberte
« communisme défini par la loi », opposé à ce qui « est communément reconnu comme le communisme ». D ’ après la loi sur l ’ interdiction du communisme, toute personne qui s ’ opposait au gouvernement pouvait virtuellement être dite – et donc accusée d ’ être – un communiste « défini par la loi », même si elle n ’ avait jamais été membre du Parti communiste. Le juge, qui était un homme impartial et raisonnable, déclara que, bien qu ’ ayant organisé des actions qui allaient « du refus d ’ obéir à la loi jusqu ’ à quelque chose qui équivalait à la haute trahison », il reconnaissait que nous avions constamment recommandé à nos membres « d ’ agir de façon calme et d ’ éviter toute forme de violence ». Nous avons été condamnés à neuf mois de travaux forcés, mais la sentence restait suspendue pendant deux ans.
Nous avions fait beaucoup d ’ erreurs, pourtant la Campagne de défi a ouvert un nouveau chapitre dans la lutte. Les six lois que nous avions dénoncées n ’ ont certes pas été abrogées, mais nous n ’ avions jamais pensé qu ’ elles le seraient : nous les avions choisies parce qu ’ elles formaient le fardeau le plus lourd qui écrasait la vie du peuple, et que c ’ était la meilleure façon d ’ engager le plus grand nombre de gens dans la lutte.
Avant la campagne, l ’ ANC brillait plus par ses paroles que par ses actes. Nous n ’ avions pas d ’ organisateurs payés, pas de personnel, et un grand nombre d ’ adhérents qui ne soutenaient notre cause que du bout des lèvres. Le premier résultat de la campagne, c ’ est que le nombre de membres est monté jusqu ’ à 100 000. L ’ ANC est apparu comme une véritable organisation de masse avec un impressionnant groupe de militants expérimentés qui avaient bravé la police, les tribunaux et la prison. Le stigmate qu ’ on associait à l ’ emprisonnement avait disparu. Il s ’ agissait d ’ un résultat important car la peur de la prison est un obstacle formidable à une lutte de libération. A partir de cette Campagne de défi, aller en prison est devenu un honneur parmi les Africains.
Nous étions extrêmement fiers de ce que pendant les six mois qu ’ avait duré la campagne il n ’ y avait pas eu un seul acte de violence de notre côté. La discipline de nos militants était exemplaire. Pendant la dernière partie de la campagne, des émeutes avaient éclaté à Port Elizabeth et à East London au cours desquelles plus de quarante personnes avaient été tuées. Ces explosions n ’ avaient absolument rien à voir avec la campagne, mais le gouvernement essaya de nous les attribuer. Et il y réussit assez bien car les troubles détournèrent certains Blancs qui sans cela nous auraient été favorables.
A l ’ intérieur de l ’ ANC, certains avaient eu des espoirs tout à fait irréalistes en pensant que la campagne pouvait renverser le gouvernement. Nous leur avons rappelé que l ’ idée de la campagne était d ’ attirer l ’ attention sur nos doléances et non pas d ’ y trouver une solution. Mais ils soutenaient que nous avions amené le gouvernement où nous le voulions et que la campagne devrait durer indéfiniment. Je suis intervenu et j ’ ai dit que ce gouvernement était trop fort et trop brutal pour être abattu de cette manière. Nous pouvions l ’ embarrasser mais pas le renverser avec la Campagne de défi.
Déjà la campagne avait duré trop longtemps. Nous aurions dû écouter le Dr. Xuma. Le comité d ’ organisation l ’ avait rencontré à la fin et il nous avait dit que la campagne perdrait bientôt de son élan et qu ’ il serait prudent d ’ y mettre fin avant qu ’ elle capote complètement. L ’ arrêter alors qu ’ elle était encore sur l ’ offensive serait perspicace car cela nous vaudrait les gros titres de la presse. Le Dr. Xuma avait raison : la campagne marquait le pas, mais dans notre enthousiasme et même notre arrogance, nous n ’ avons pas tenu compte de son conseil. Mon cœur me disait de poursuivre la campagne mais ma raison me conseillait de l ’ arrêter. J ’ ai soutenu l ’ arrêt, mais j ’ ai suivi la majorité. A la fin de l ’ année, la campagne s ’ est effondrée.
Elle n ’ est jamais allée au-delà du stade initial des petits groupes de volontaires essentiellement urbains. Le défi de masse, surtout dans les zones rurales, n ’ a jamais été réalisé.
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