Un long chemin vers la liberte
un mandat d ’ arrêt. J ’ étais accusé d ’ avoir violé la loi sur l ’ interdiction du communisme. Une série d ’ arrestations semblables eurent lieu à Johannesburg. Au début du mois, la police avait fait des descentes au domicile et dans les bureaux de responsables de l ’ ANC et du SAIC dans tout le pays et saisi des papiers et des documents. Ce genre de descentes était quelque chose de nouveau et annonçait les recherches systématiques et illégales qui, par la suite, deviendraient un trait régulier du comportement gouvernemental.
Mon arrestation et celle des autres aboutirent en septembre au procès à Johannesburg de vingt et un accusés, y compris le président et le secrétaire général de l ’ ANC, du SAIC, de la Ligue de la jeunesse de l ’ ANC et du Congrès indien pour le Transvaal. Parmi eux, il y avait le Dr. Moroka, Walter Sisulu et J.B. Marks. Un certain nombre de leaders indiens avaient aussi été arrêtés dont le Dr. Dadoo, Yusuf Cachalia et Ahmed Kathrada.
Notre comparution au tribunal fut l ’ occasion de rassemblements politiques immenses. Des foules nombreuses de manifestants défilèrent dans les rues de Johannesburg et convergèrent vers le tribunal. Il y avait des étudiants blancs de l ’ université du Witwatersrand ; d ’ anciens volontaires de l ’ ANC d ’ Alexandra ; des élèves indiens des écoles primaires et des collèges ; des gens de tout âge et de toute couleur. Le tribunal n ’ avait jamais été envahi par de telles foules, et les cris de « Mayibuye Afrika ! » ponctuaient les débats.
Ce procès aurait dû être l ’ occasion de manifester notre détermination et notre solidarité, mais il fut gâché par un manque de foi du Dr. Moroka. Le président général de l ’ ANC, la figure de proue de la campagne, nous stupéfia en prenant son propre avocat. Nous avions prévu d ’ être jugés tous ensemble. Mes coaccusés m ’ ont désigné pour aller en discuter avec le Dr. Moroka afin d ’ essayer de le persuader de ne pas agir seul. La veille du procès, je suis allé le voir à Village Deep, à Johannesburg.
Au début de notre entretien, je lui ai proposé des solutions, mais ça ne l ’ intéressait pas et à la place il m ’ a fait part de plusieurs doléances. Le Dr. Moroka avait le sentiment d ’ avoir été exclu de la préparation de la campagne. Pourtant, souvent les affaires de l ’ ANC ne l ’ intéressaient pas du tout et ça ne le dérangeait pas. Mais il m ’ a dit que ce qui l ’ inquiétait avant tout, c ’ était qu ’ en restant avec nous on l ’ associerait à des communistes. Le Dr. Moroka partageait l ’ animosité du gouvernement à l ’ égard du communisme. Je l ’ ai repris en lui rappelant que la tradition de l ’ ANC voulait qu ’ on travaille avec tous ceux qui s ’ opposaient à l ’ oppression raciale. Mais il resta inébranlable.
Le plus grand choc a été sa défense humiliante devant le juge Rumpff et sa déposition comme témoin afin de renier les principes mêmes sur lesquels avait été fondé l ’ ANC. Quand on lui a demandé s ’ il pensait qu ’ il devrait y avoir une égalité entre Noirs et Blancs en Afrique du Sud, il a répondu que cela n ’ existerait jamais. Sur nos sièges, nous avions l ’ impression de sombrer dans le désespoir. Quand son propre avocat lui a demandé si certains d ’ entre nous étaient communistes, le Dr. Moroka a commencé à tendre le doigt vers quelques-uns, dont Dadoo et Walter. Le juge l ’ a informé que ce n ’ était pas nécessaire.
Le spectacle qu ’ il a donné a été un coup sévère pour l ’ organisation et nous avons tout de suite compris que les jours du Dr. Moroka comme président de l ’ ANC étaient comptés. Il avait commis le péché énorme de faire passer ses intérêts personnels avant ceux de l ’ organisation et du peuple. Il ne voulait pas que ses convictions politiques mettent en danger sa carrière de médecin et sa fortune et il détruisait ainsi l ’ image qu ’ il avait construite en trois ans de travail et de courage pour l ’ ANC et la Campagne de défi. Je considérais cela comme une tragédie car la pusillanimité du Dr. Moroka devant le tribunal enleva un peu de son éclat à la campagne. L ’ homme qui avait parcouru le pays en prêchant l ’ importance de cette campagne l ’ avait trahie.
Le 2 décembre, nous avons tous été reconnus coupables de ce que le juge Rumpff qualifia de
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