Un long chemin vers la liberte
Nous n ’ avons réussi à atteindre le second stade que dans l ’ Eastern Cape, où un important mouvement de résistance est apparu à la campagne. En général, nous n ’ avons pas réussi à y pénétrer, ce qui était une faiblesse historique de l ’ ANC. La campagne a été entravée par le fait que nous n ’ avions pas de militants à plein temps.
J ’ essayais d ’ organiser une campagne en exerçant en même temps mon métier d ’ avocat, et ce n ’ est pas ainsi qu ’ on fait. Nous étions encore des amateurs.
J ’ avais cependant un sentiment très fort de réussite et de satisfaction : je m ’ étais engagé dans une cause juste et j ’ avais eu la force de lutter et de vaincre. La campagne m ’ avait libéré de tout sentiment de doute ou d ’ infériorité que je pouvais encore avoir ; elle m ’ avait affranchi de la sensation d ’ être dépassé par le pouvoir et l ’ invincibilité apparente de l ’ homme blanc et de ses institutions. Mais maintenant, l ’ homme blanc avait senti la puissance de mes coups et je pouvais marcher droit, comme un homme, et regarder tout le monde dans les yeux avec la dignité que je tirais de ne pas avoir succombé à l ’ oppression et à la peur. J ’ étais devenu un combattant de la liberté.
QUATRIÈME PARTIE
Le combat est ma vie
15
A la fin de 1952, à la conférence annuelle de l ’ ANC, il y eut une relève de la garde. On désigna un nouveau président plus énergique, pour une nouvelle ère plus militante : le chef Albert Luthuli. En accord avec la constitution de l ’ ANC, en tant que président pour le Transvaal, je suis devenu un des quatre vice-présidents. En outre, le National Executive Commitee (NEC) m ’ a nommé premier vice-président. Luthuli appartenait à une poignée de chefs qui se montraient actifs dans l ’ ANC et qui avaient fermement résisté à la politique du gouvernement.
Fils d ’ un missionnaire adventiste du septième jour, Luthuli était né dans ce qui était alors la Rhodésie du Sud et avait été élevé au Natal. Il avait été formé comme professeur à l ’ Adam ’ s College, près de Durban. C ’ était un homme grand, fort, avec une peau très noire, un grand sourire et un air d ’ humilité et de profonde confiance en soi. Il avait une patience infinie et un grand sens moral ; il parlait lentement et clairement comme si chaque mot avait été d ’ égale importance.
Je l ’ avais rencontré pour la première fois à la fin des années 40 alors qu ’ il était membre du Conseil représentatif des indigènes. En septembre 1952, quelques mois seulement avant la conférence annuelle, Luthuli avait été convoqué à Pretoria où on lui avait donné un ultimatum : il devait renoncer à être membre de l ’ ANC et à soutenir la Campagne de défi, sinon il était destitué de son poste de chef élu et payé par le gouvernement. Chef zoulou très fier, Luthuli était en outre instituteur et chrétien fervent, mais il était encore plus fermement engagé dans la lutte contre l ’ apartheid. Il refusa de démissionner de l ’ ANC et le gouvernement le congédia. En réponse, il publia une déclaration de principes intitulée « Le chemin vers la liberté passe par la croix », dans laquelle il réaffirmait son soutien à la résistance passive non violente et justifiait son choix avec des mots qui résonnent encore aujourd ’ hui comme une plainte : « Qui niera que j ’ ai consacré trente années de ma vie à frapper en vain, patiemment, doucement et modestement contre une porte fermée et barrée ? »
Je soutenais le chef Luthuli mais je n ’ ai pas pu assister à la conférence. Quelques jours avant l ’ ouverture, cinquante-deux responsables dans tout le pays ont reçu l ’ interdiction d ’ assister à tout rassemblement et à tout meeting pendant six mois. J ’ en faisais partie et mes déplacements étaient limités, pendant la même période, à Johannesburg.
L ’ interdiction dont j ’ étais victime concernait les réunions de toute nature, pas seulement les réunions politiques. Par exemple, je n ’ ai pas pu assister à l ’ anniversaire de mon fils. Je n ’ avais pas le droit de parler à plus d ’ une personne à la fois. Cela faisait partie d ’ une volonté systématique du gouvernement pour réduire au silence, persécuter et immobiliser les leaders de ceux qui combattaient l ’ apartheid, et c ’ était la première d ’ une
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