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Un long dimanche de fiancailles

Un long dimanche de fiancailles

Titel: Un long dimanche de fiancailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sébastien Japrisot
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sont tous quatre moustachus et, la fatigue étant,
paraissent plus vieux que leur âge. Manech, à côté
d'eux, est un adolescent égaré.
    Ensuite,
Mathilde lit les lettres recopiées par Daniel Esperanza sur du
papier mauve, de cette encre fanée au point d'être
grise. Elle les lit dans l'ordre où elle les trouve. Elle ne
cherche pas d'abord celle de Manech. À quoi bon ? Elle a reçu, pendant les sept mois où il était à
la guerre, soixante-trois lettres ou cartes postales de lui. Elle les
a tant de fois relues qu'elle pourrait les réciter toutes sans
se tromper d'un mot.
    La
grande fenêtre de sa chambre est éclaboussée par
le soleil pourpre qui se couche sur l'océan, à travers
les pins.

    Kléber
Bouquet à Louis Teyssier,
    Bar
Chez Petit Louis, 27, rue Amelot, Paris.
    Du
front, 6 janvier 17.

    Mon
bon Nez-Cassé,
    Si
tu vois Véro, dis-lui la bonne année et que je pense à
elle et que je regrette bien qu'elle veut plus me parler. Dis-lui que
si je reviens pas, ma dernière pensée sera pour elle et
tous les moments de bonheur qu'on a eus, vraiment merveilleux.
L'argent que je t'ai confié, donne-lui. C'est pas grand-chose ,
j'aurais tant voulu qu'elle ait la vie belle.
    À
toi aussi, mon camarade, je pense souvent, et aux pâtées
que tu m'as mises aux dés sur ton comptoir et à nos
rigolades quand on sortait les siphons, ça au moins c'était
de la bonne bataille.
    Je
suis muté ailleurs, alors si tu reçois pas de nouvelles
de quelque temps, pas de souci, j'ai la santé.
    Allez
va, le bonjour à tous les amis et à toi longue vie
    Kléber
    P.S.
Je peux te le dire, ça te fera plaisir, j'ai retrouvé
Biscotte et on s'est réconcilié. On était tous
les deux bien bêtes.

    Francis
Gaignard à Thérèse Gaignard,
    108,
route de Châtillon, Bagneux, Seine.
    Samedi
6 janvier.

    Ma
chère femme,
    Je
sais que tu seras soulagée de recevoir cette lettre, mais que
veux-tu, je n'ai pas pu t'écrire depuis un mois parce que j'ai
été changé de régiment et c'était
très difficile avec tous les tracas des voyages. Enfin,
maintenant je peux te souhaiter une bonne année qui, j'en suis
sûr, verra la fin des malheurs de tous. J'espère que tu
as pu faire de beaux cadeaux à nos petites, à ma
Geneviève chérie, à ma Sophie bien - aimée.
J ' espère aussi qu'à
l'armement ils t'ont donné tes deux jours de congé,
qu'au moins tu as pu te reposer, ma chère femme, même si
ces fêtes ne devaient pas être bien gaies pour toi.
    Ne
te fais pas de mauvais sang de ce que je vais te dire, je me porte
comme un charme feuillu, mais je serai plus tranquille de l'avoir
dit. Au cas où il m'arriverait quelque chose, on sait jamais
(regarde mon malheureux frère Eugène), fais ce que tu
m'as promis, ne pense qu'à nos petites, moi j'aurai plus
besoin de rien et je voudrais de tout mon cœur que tu te
trouves un brave garçon pour vivre heureuses toutes les trois.
À la fin du mois, j'aurai trente et un ans et toi vingt-neuf,
ça fait huit ans bientôt qu'on est mariés. Il me
semble qu'on m'a volé la moitié de ma vie.
    Pour
une fois, puisque c'est la nouvelle année, embrasse
sincèrement pour moi tes parents. Je ne leur en veux pas, tu le sais bien, mais ils devraient au moins
éviter de parler de certaines choses. C'est à cause de
l'aveuglement de gens comme eux que je suis là, et les
compagnons aussi.
    Je
dois m'arrêter, la corvée m'attend. Je t'embrasse avec
tout mon amour, veille bien sur nos petites chéries.
    Merci
d'être ma femme.
    Ton
Six-Sous.

    Benoît
Notre-Dame à Mariette Notre-Dame,
    Les
Ruisseaux, Cabignac, Dordogne.
    6
janvier 17.

    Chère
épouse,
    Je
t'écris cette lettre pour t'avertir que je serai sans t'écrire
un moment. Dis au père Bernay que je veux tout réglé
pour le début mars, sinon tant pis pour lui, il nous vend son
engrais trop cher. Je pense malgré tout qu'il fera l'affaire.
    Dis
à mon Titou que je l'embrasse fort et que rien de mal ne peut
lui arriver pourvu qu'il écoute sa maman chérie. Moi,
je connais encore personne d'aussi bon. Je t'aime,
    Benoît.

    Ange
Bassignano à Tina Lombardi,
    Aux
soins de Madame Conte,
    5,
traverse des Victimes, Marseille.
    Samedi
6 janvier.

    Ma
chouquette,
    Je
sais plus où tu es. Moi, je peux pas le dire à cause du
secret militaire. J 'ai bien cru ma fin
prochaine mais maintenant ça va mieux, j'ai l'espoir de m'en
sortir et que la Bonne Mère me protégera encore une
fois, même favouille comme tu me connais. J'ai pas eu de
chance,

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