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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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était trop tard pour qu’ils
révèlent leur présence.
    « Êtes-vous heureux ? s’enquit Loreen.
    — Oui. C’est la vie que j’ai toujours voulu vivre. Je
n’étais pas fait pour être un mari ou un chevalier. Je prie pour mes enfants
tous les jours, et pour vous aussi. Je supplie Dieu de laver mes mains du sang
de tous les hommes que j’ai tués.
    — Dans ce cas, je vous souhaite le bonheur.
    — Vous êtes très généreuse.
    — Vous ne me reverrez probablement jamais.
    — Je sais.
    — Embrassez-moi et disons-nous adieu. »
    Il y eut un long silence, puis le bruit de pas légers qui
s’éloignaient.
    Étendue sur le caillebotis, Caris respirait à peine. Au bout
d’un long moment, elle entendit Thomas pleurer. Ses sanglots, bien qu’étouffés,
semblaient provenir du plus profond de son être. Elle sentit les larmes lui
monter aux yeux.
    Thomas finit par se ressaisir. Il renifla, toussa et murmura
des mots qui devaient être une prière. Et elle l’entendit partir à son tour.
    Enfin Merthin et Caris purent se relever. Ils traversèrent
le grenier en sens inverse et redescendirent l’escalier. Ni l’un ni l’autre ne
prononcèrent un mot en descendant la nef. Caris éprouvait un sentiment
comparable à celui qu’elle aurait éprouvé en fixant trop longtemps un tableau
représentant une grande tragédie où l’attitude figée des personnages permettait
uniquement d’imaginer leurs vies passée et à venir.
    De même que face à une peinture, cette scène vécue en commun
éveillait chez Merthin et Caris des émotions et des réactions très
dissemblables. « Quelle triste histoire ! dit Merthin en émergeant
dans la moiteur de cet après-midi d’été.
    — Ça me fâche que Thomas ait détruit cette femme.
    — Comment le lui reprocher ? Il craignait pour sa
vie.
    — Maintenant, c’est elle qui n’a plus de vie. Plus de
vie et plus de mari, et dans l’impossibilité de se remarier ! Toute seule
pour élever deux enfants. Thomas, lui, a au moins le monastère.
    — Elle a la cour de la comtesse.
    — Comment peux-tu comparer ça ? répliqua Caris sur
un ton irrité. Cette dame est probablement une parente éloignée que l’on garde
par charité et à qui l’on demande de remplir des tâches de domestique, comme
d’aider la comtesse à s’habiller, à coiffer ses cheveux, à choisir ses bijoux.
Elle n’a aucune liberté, elle est en prison.
    — Thomas aussi. Tu l’as entendu, il ne peut pas quitter
le prieuré.
    — Mais il a un rôle, lui. Il est le maître d’ouvrage du
monastère, il prend des décisions, il fait quelque chose.
    — Loreen a ses enfants.
    — C’est bien ce que je dis ! L’homme veille sur le
bâtiment le plus important à des lieues à la ronde pendant que la femme reste à
la maison, coincée avec ses enfants.
    — La reine Isabelle a eu quatre enfants. Ça ne l’a pas
empêchée d’être l’une des personnes les plus puissantes d’Europe en son temps.
    — Il a fallu d’abord qu’elle se débarrasse de son
mari. »
    Ils poursuivirent leur route en silence, franchirent le
portail du prieuré et parvinrent dans la grand-rue. Arrivés devant chez Caris,
ils s’arrêtèrent. Ils se querellaient à nouveau, et pour la même raison que la
dernière fois, constata la jeune fille par-devers elle. Au même moment, Merthin
annonça qu’il allait déjeuner à La Cloche.
    À l’auberge du père de Bessie, pensa-t-elle. « Comme tu
voudras », dit-elle tout haut sur un ton découragé.
    Il s’éloigna. « Loreen aurait mieux fait de ne jamais
se marier, lança-t-elle à sa suite.
    — Que pouvait-elle faire d’autre ? » lui
cria-t-il en retour par dessus son épaule.
    C’était bien là le problème ! se dit Caris avec rancœur
en ouvrant sa porte. Que pouvait faire une femme, sinon se marier ?
    La maison était vide. Edmond et Pétronille étaient au
banquet et les domestiques avaient congé pour l’après-midi. Il n’y avait que
son chien, Scrap ; il l’accueillit distraitement en remuant paresseusement
la queue. Elle lui donna de petites tapes sur la tête et alla s’asseoir à la
table de la grande salle, ressassant ses pensées.
    Partout, dans tous les pays de la Chrétienté, les jeunes
femmes ne désiraient qu’une chose : épouser l’homme qu’elles aimaient.
Comment expliquer alors que cette idée l’horrifie à ce point ? D’où lui
venaient ces sentiments si inhabituels ? Certainement pas de sa

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