Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
l’œil enfoui au milieu d’un amas de chair sanguinolente, une
blessure effroyable. Tous deux étaient trop soûls pour sentir la douleur.
« On s’est battus, marmonna Barney, la bouche pâteuse. Je voulais pas lui
faire de mal, c’est mon meilleur ami. Je l’aime. »
    Caris et sœur Nellie les installèrent sur des paillasses
voisines. Barney n’avait pas le bras cassé mais simplement démis. Nellie envoya
une novice quérir Matthieu le Barbier, qui faisait office de chirurgien. Caris
baigna le visage de Lou. Son œil, malheureusement, ne pourrait être
sauvé : il avait éclaté comme un œuf poché. Ce genre de situation rendait
Caris folle de rage. Ces deux idiots n’étaient ni malades ni accidentés :
ils s’étaient battus parce qu’ils avaient trop bu !
    Après la première vague de peste, elle avait réussi à
redonner courage aux habitants, à les convaincre de restaurer l’ordre public.
Las, les ravages de la seconde vague avaient atteint les survivants jusqu’au
plus profond de leur âme. Quand elle les exhortait à se conduire en êtres
civilisés, ils ne l’écoutaient plus. Elle ne savait que faire et sentait ses
forces la quitter.
    Elle contemplait les deux hommes étendus côte à côte quand
un étrange grondement parvint à ses oreilles. Le bruit venait du dehors.
L’espace d’un instant, elle se crut transportée trois ans en arrière, à la bataille
de Crécy, au cœur du fracas terrifiant que produisaient les nouvelles machines
du roi Édouard en projetant des boulets de fer dans les rangs ennemis. Après
quelques secondes de silence, le grondement retentit à nouveau. Caris comprit
qu’il émanait d’un ou de plusieurs tambours frappés sur un rythme irrégulier.
Puis elle perçut un concert de flûtes et de cloches qui ne jouaient pas
véritablement une mélodie. Lui succédèrent des cris rauques, sorte de
lamentations ou d’exclamations qui pouvaient signifier aussi bien le triomphe
que le désespoir, peut-être les deux à la fois. Ce vacarme ressemblait à s’y
méprendre à celui d’une bataille, sauf qu’il y manquait le funeste sifflement
des flèches et les hennissements des chevaux blessés. Intriguée, elle sortit
aux nouvelles.
    Un groupe d’une quarantaine d’individus avait pénétré dans
l’enceinte du prieuré et s’avançait vers la cathédrale en dansant la gigue.
Certains jouaient de différents instruments, si tant est qu’on puisse nommer
ainsi leur cacophonie. Ils portaient de légers vêtements de couleur claire, en
loques et maculés de taches, ou bien ils allaient nus, exposant leurs parties
intimes à la vue de tous. Ceux qui n’avaient pas d’instrument brandissaient un
fouet. Des badauds se pressaient en foule derrière eux, suivant la scène avec
une curiosité mêlée de stupeur.
    Frère Murdo marchait en tête du cortège, plus énorme que
jamais. Il caracolait avec énergie, le visage dégoulinant d’une sueur
poussiéreuse qui gouttait de sa barbe hirsute. Ayant mené les danseurs jusqu’au
grand portail de la façade ouest, il pila. Se tournant vers la foule, il
rugit : « Nous avons péché, tous autant que nous sommes ! »
    Une clameur confuse et exaltée s’éleva de la horde des
disciples, mélange de cris inarticulés et de grognements.
    « Nous sommes la lie de la terre ! continuait le
frère lai avec véhémence. Nous nous vautrons dans la luxure comme les porcs
dans la fange. Nous cédons à nos désirs charnels en tremblant de fièvre. Cette
peste, nous l’avons méritée !
    — Oui ! crièrent les disciples.
    — Que devons-nous faire ?
    — Souffrir ! hurlèrent-ils en chœur.
Souffrir ! »
    Un adepte s’élança en avant, le fouet brandi. Un fouet à
trois lanières de cuir auxquelles étaient attachées des pierres coupantes, crut
voir Caris. S’étant jeté aux pieds de Murdo, il entreprit de se lacérer le dos.
Le fin tissu de sa tunique se déchira ; du sang se mit à couler. Il hurla
de douleur. Ses compagnons l’encouragèrent à grand renfort de gémissements.
    Une femme s’avança à son tour et défit sa robe jusqu’à la
taille. Exhibant ses seins à la vue de la foule, elle se flagella aussi,
provoquant un nouveau concert de lamentations.
    Les pénitents continuaient d’avancer, seuls ou en couple, et
à s’administrer des coups de fouet. Un grand nombre d’entre eux avaient le
corps couvert de plaies. Certaines, en voie de cicatrisation, indiquaient que
ce n’était pas la

Weitere Kostenlose Bücher