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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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la
peur : les mères restaient auprès de leurs enfants, les maris auprès de
leurs femmes, les fils et les filles auprès de leurs parents âgés. Aujourd’hui,
il n’en allait plus ainsi : la mort, tel un acide, avait rongé les liens
les plus forts. Face à la contagion, les gens avaient perdu toute compassion.
Désormais, le parent ou l’époux qui amenait un malade l’abandonnait aussitôt,
insensible à ses cris de désespoir. Seules les religieuses osaient braver la
maladie. Elles étaient toutes équipées de masques et se lavaient constamment
les mains au vinaigre.
    Par bonheur, Caris ne manquait pas d’assistantes. Une
arrivée massive de novices, attirées en partie par sa réputation de sainte
femme, avait pallié la disparition des religieuses emportées par la peste. Le
même phénomène s’était produit au monastère, si bien que Thomas avait à présent
toute une classe de jeunes moines à former. Dans ce monde devenu fou, chacun
était en quête de repères.
    Cette fois-ci, la peste avait fait des ravages parmi les
notables de la ville. John le Sergent était du nombre et sa mort ajoutait à
l’anxiété de Caris. Car si elle n’allait pas jusqu’à regretter ses méthodes,
lesquelles consistaient tout d’abord à assommer les fauteurs de troubles et
ensuite à les interroger, elle devait convenir qu’en son absence, il ne serait
pas facile d’assurer le maintien de la paix. Betty la Boulangère avait
succombé, elle aussi. C’en était fini de ses petits pains spéciaux préparés à
l’occasion des fêtes et de ses reparties pleines de sagacité aux réunions de la
guilde. Ses quatre filles s’étaient partagé son affaire dans l’acrimonie.
Enfin, la peste avait eu raison de Dick le Brasseur. Avec lui était mort le
dernier représentant d’une génération d’entrepreneurs talentueux qui, comme le
père de Caris, avaient su s’enrichir tout en profitant de la vie.
    Pour limiter la propagation de la maladie, Caris et Merthin
avaient annulé tous les rassemblements importants. À Pâques, il n’y avait pas
eu de procession dans la cathédrale ; à la Pentecôte, il n’y aurait pas de
foire à la laine. Quant au marché hebdomadaire, il se tenait désormais hors les
murs, dans le Champ aux amoureux, et la plupart des citadins ne s’y rendaient
même plus. Dès l’apparition des premiers cas de peste, Caris avait voulu
appliquer les mesures mises en place dans certaines villes italiennes. Elle
avait proposé de fermer les portes de la ville comme cela s’était fait là-bas,
à en croire Merthin, pour des périodes de trente ou quarante jours appelées
« trentaines » ou « quarantaines ». Mais Godwyn et Elfric
s’y étaient opposés. À présent, de telles restrictions ne permettraient plus
d’endiguer l’épidémie : au mieux, elles sauveraient quelques vies.
    En revanche, l’argent ne manquait pas. De plus en plus de
malades, privés d’héritiers, léguaient leur fortune au couvent, et les novices
apportaient en dot terres, troupeaux, vergers et pièces d’or. Le couvent
n’avait jamais été aussi riche.
    Pourtant cette manne financière ne suffisait pas à consoler
Caris. Pour la première fois de sa vie, elle ressentait de la lassitude :
le découragement venait s’ajouter à son épuisement. L’épidémie faisait deux
cents victimes par semaine, une hécatombe inconnue auparavant. Caris ne savait
plus où puiser la force de continuer la lutte. Elle était percluse de
courbatures, la tête lui pesait ; parfois, sa vue se brouillait. Face à
l’adversité, il lui arrivait de ne plus éprouver qu’un morne désespoir.
Jusqu’où l’horreur irait-elle ? La population entière était-elle vouée à
disparaître ?
    Plongée dans ses réflexions, Caris vit du coin de l’œil deux
hommes entrer dans l’hospice d’un pas chancelant. Ils étaient en sang. S’étant
précipitée pour leur venir en aide, elle s’immobilisa à deux ou trois pas
d’eux, stoppée dans son élan par leur haleine fétide. Midi n’avait pas sonné
qu’ils puaient l’alcool à plein nez et tenaient à peine sur leurs jambes !
Elle marmonna une phrase contrariée : s’enivrer au beau milieu de la
journée était devenu monnaie courante.
    Elle les connaissait de vue : c’étaient deux jeunes
costauds du nom de Barney et Lou, employés à l’abattoir d’Édouard le Boucher.
Le premier avait le bras qui pendait, probablement cassé ; le second le
nez écrasé et

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