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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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de sa génération avait été décimée par la peste.
    Le temps que les jurés se rassemblent et que l’on tire les
prisonniers de leurs cachots pour les amener en ville, Ralph et ses fils
patientèrent en compagnie du juge à l’auberge du Tribunal, dans une pièce
donnant directement sur la salle d’audience. Sieur Louis traitait le comte avec
une prudente courtoisie. Il apparut qu’il avait participé à la bataille de
Crécy alors qu’il était tout jeune écuyer. Ralph n’avait pas souvenir de
l’avoir rencontré à l’époque.
    Cherchant discrètement à prendre la mesure de son
intransigeance, il orienta la conversation sur l’ordonnance relative aux
travailleurs : « Nous avons bien du mal à la faire appliquer. Dès
qu’ils trouvent un moyen de s’enrichir, les paysans ne respectent plus rien.
    — Le fugitif qui touche un salaire est forcément
employé par quelqu’un qui, lui aussi, contrevient à la loi.
    — Absolument ! Les sœurs du couvent de Kingsbridge
n’ont jamais respecté ce texte.
    — On peut difficilement assigner des religieuses en
justice.
    — Je ne vois pas pourquoi. »
    Le juge préféra changer de sujet : « Avez-vous un
intérêt particulier à l’une des auditions du jour ? »
    On l’avait sans doute informé que le comte de Shiring
n’avait pas coutume d’exercer son droit de siéger auprès du juge, se dit Ralph,
et il reconnut de bon gré que le meurtrier était l’un de ses serfs.
« Cependant, précisa-t-il, si je suis venu assister aux procès
aujourd’hui, c’est surtout pour montrer à mes fils comment fonctionne la
justice. Demain, je les emmènerai voir les pendaisons. À ma mort, l’un des deux
deviendra comte. Autant qu’ils apprennent vite à voir des gens mourir. »
    Le juge l’approuva : « Les enfants de la noblesse
se doivent d’avoir le cœur bien accroché. »
    Le greffier du tribunal frappa un coup de marteau. Dans la
salle voisine, le brouhaha se calma aussitôt. L’anxiété de Ralph n’avait pas
diminué : sa conversation avec sieur Louis ne lui avait pas appris
grand-chose. Fallait-il y voir le signe qu’il était sourd à toute
influence ?
    Sieur Louis ouvrit la porte et le laissa entrer le premier.
    Deux hautes cathèdres en bois et un banc trônaient sur une
estrade, à quelques pas de là. Un murmure monta de l’assistance quand Gerry et
Roley prirent place sur le banc. Les gens du peuple dévisageaient toujours avec
une curiosité fascinée les enfants qui seraient un jour leurs suzerains. Dans
ce tribunal chargé de punir la violence, la rapine et la malhonnêteté, ces deux
garçons innocents faisaient songer à des agneaux égarés dans une porcherie.
    Le souvenir de sa comparution devant ce même tribunal
vingt-deux ans plus tôt ne manqua pas d’assaillir Ralph lorsqu’il prit place
sur l’estrade. Jugé pour viol, pensez donc ! Portée par une serve lui
appartenant, l’accusation était ridicule. Philippa s’en était bien mordu les
doigts d’avoir ourdi pareille machination à son encontre ! Au procès,
Ralph avait pris la fuite sitôt reconnu coupable. Gracié par la suite, il était
parti ferrailler contre les Français dans l’armée du roi.
    L’accusé jugé aujourd’hui n’aurait, pour s’échapper, aucun
des moyens dont il avait lui-même bénéficié : le fils de Wulfric n’était
pas armé et il avait les chevilles entravées. Et il ne pouvait compter sur une
amnistie, la pratique avait été abandonnée depuis la fin des hostilités avec la
France.
    Ralph l’observa attentivement tandis qu’on donnait lecture
de l’acte d’accusation. C’était un grand gaillard à la carrure puissante. Bien
né, il aurait fait un rude combattant. Il tenait davantage de Wulfric que de
Gwenda, remarqua-t-il encore, bien qu’il n’ait pas non plus les traits de son
père. Son visage, curieusement, lui rappelait quelqu’un. Comme la plupart des
accusés, Sam dissimulait son effroi sous un air de défi. Et Ralph lui prêta des
sentiments proches de ceux qu’il avait lui-même éprouvés tant d’années
auparavant.
    La première personne appelée à témoigner était Nathan le
Bailli, qui se présenta comme le père de la victime. Fait bien plus important,
il assura que Sam n’était pas seulement un serf du comte de Shiring, mais qu’il
n’avait jamais été autorisé à se rendre à Vieille-Église. Voilà pourquoi,
conclut-il, il avait demandé à son fils, Jonno, de suivre Gwenda,

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