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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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curiosité des passants.
    Le comte Ralph était l’une des rares personnes capables de
traverser la place rapidement. Précédée par trois cavaliers, sa petite troupe
fendait la foule comme une charrue la terre des champs, et la vitesse de son
déplacement, cumulée à son mépris d’autrui, avait pour effet, le temps d’un
instant, de projeter les manants cul par-dessus tête. Puis le sillon se
refermait, à peine passée la poignée de domestiques chargée de fermer la
marche.
    Ainsi lancés, le comte et son entourage gravirent la colline
sur laquelle se dressait le château du shérif. Ayant pénétré dans la cour en
grande pompe, ils mirent pied à terre. Immédiatement, les serviteurs de Ralph
réclamèrent à grands cris porteurs et valets d’écurie, au plus grand bonheur de
leur seigneur qui aimait, où qu’il passe, faire savoir qu’il honorait le lieu
de sa présence.
    Le comte était nerveux. Certes, que le fils de son ennemi de
toujours soit sur le point d’être jugé pour meurtre lui procurait le bonheur
d’une bien douce revanche, mais tout au fond de lui, il redoutait qu’à la
dernière minute un grain de sable ne vienne enrayer la machine. Il était bien
placé pour savoir que l’appareil judiciaire connaissait parfois des
défaillances inattendues : n’avait-il pas lui-même échappé par deux fois à
la potence ? Si grande était son anxiété qu’il en éprouvait presque de la
honte. Ses chevaliers ne devaient en aucun cas deviner combien l’affaire lui
tenait à cœur. Alan Fougère lui-même ne devait pas soupçonner sa hâte à voir
Sam pendu haut et court.
    Il assisterait au procès sur le banc du juge, comme la loi
l’y autorisait, et il veillerait à empêcher tout revirement intempestif.
    Après avoir tendu ses rênes à un palefrenier, il promena les
yeux autour de lui. L’enceinte évoquait plus une cour de taverne qu’une
forteresse militaire. Derrière ces murailles solides et bien gardées, le shérif
de Shiring était à l’abri d’une éventuelle vengeance de la part des proches des
prisonniers enfermés dans les cachots souterrains. Quant aux juges de passage,
ils pouvaient jouir en toute sérénité des beaux appartements mis à leur
disposition.
    Le shérif Bernard était le représentant du roi au sein du
comté. Sa charge consistait à percevoir les impôts et à rendre la justice.
C’était un poste lucratif, car à la solde venaient s’ajouter non seulement un
pourcentage sur les amendes et les cautions des remises en liberté, mais
également quantité de pots-de-vin et cadeaux en nature.
    Bernard montra sa chambre à Ralph. Les relations entre les
deux hommes n’étaient pas exemptes de tensions. Si un comte occupait un rang
plus élevé qu’un shérif, celui-ci exerçait son pouvoir judiciaire en toute
indépendance. En l’occurrence, le shérif Bernard était un prospère marchand de
laine. Du même âge que Ralph, il le traitait avec un mélange de camaraderie et
de déférence parfois mal assorties.
    Philippa attendait son époux dans les appartements qui leur
avaient été réservés. Il ne restait rien aujourd’hui de la beauté altière que
ses manières hautaines lui conféraient jadis. Ses longs cheveux gris relevés en
un chignon compliqué ainsi que le triste camaïeu dans les tons gris et bruns de
son riche manteau lui donnaient l’aspect d’une dame grincheuse assez âgée pour
être une douairière.
    Gerry et Roley saluèrent leur père. Mal à son aise avec les
petits, le comte n’avait guère pris part à leur éducation. Dans l’enfance, ses
fils avaient été élevés par des femmes ; maintenant, ils fréquentaient
l’école du monastère. Ralph les traitait plus ou moins comme ses écuyers,
alternant ordres et plaisanteries. Plus tard, il saurait trouver les mots pour
établir de vrais rapports avec eux. Pour l’heure, cela n’avait pas
d’importance. Quoi qu’il fasse, ses fils le considéraient comme un héros.
    « Demain, vous assisterez à un procès sur le banc du
juge, leur annonça-t-il. Je veux que vous voyiez comment la justice est rendue.
    — Pouvons-nous aller au marché cet après-midi ?
S’enquit Gerry, l’aîné.
    — Oui. À condition de prendre Dickie avec vous. »
    C’était un serviteur de Château-le-Comte, venu à Shiring
avec Ralph.
    « Tenez, voici de quoi vous amuser ! » Il
remit à chacun une poignée de piécettes en argent.
    Les garçons sortis, Ralph s’assit loin de Philippa.

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