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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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commençait à se dire qu’il avait perdu son cap, distrait par ses souvenirs,
lorsqu’il déboucha soudain dans une clairière et sut qu’il était rendu. Les
taillis étaient plus denses qu’autrefois, le chêne plus gros encore et un tapis
de fleurs estivales recouvrait le sol, contrairement à ce fameux jour de
novembre 1327. Mais cette clairière était bien celle qu’il recherchait,
indubitablement : différente mais reconnaissable entre mille, tel un
visage que l’on n’a pas vu depuis des lustres.
    Enfant maigrelet, Merthin avait réussi à se tapir sous les
buissons pour échapper au colosse qui piétinait les broussailles. L’image du
chevalier, épuisé et haletant, obligé de s’adosser au chêne pour dégainer sa
dague et son épée, s’imposa à son esprit. Sa mémoire lui fit revivre les
événements dont il avait été le témoin ce jour-là : plantés devant le
chevalier, les deux hommes d’armes en uniforme jaune et vert avaient exigé
qu’il leur remette une lettre. Thomas avait alors détourné leur attention en
affirmant qu’on les espionnait de derrière les buissons. À cet instant, Merthin
avait bien cru sa dernière heure venue, mais Ralph, du haut de ses dix ans,
avait occis l’un des soldats, démontrant par là l’existence en lui de ces
instincts meurtriers qui le serviraient si bien des années plus tard, lors de
ses campagnes en France. Le chevalier, quant à lui, était parvenu à se
débarrasser du second adversaire. Malheureusement, il n’avait pu éviter son
coup d’épée. Malgré les soins que lui prodigueraient les moines médecins du
prieuré de Kingsbridge, ou peut-être à cause d’eux, il en resterait manchot.
Ensuite, Merthin l’avait aidé à enterrer la lettre.
    « Juste ici, avait ordonné Thomas. Devant le
chêne. »
    Le secret que renfermait cette missive, et qui plongeait
dans l’effroi de hauts dignitaires du pays, avait été pour Thomas un gage de
survie. Réfugié derrière les murs d’un monastère, le chevalier avait pu
attendre dans la paix qu’une mort naturelle mette fin à ses jours.
    « Si tu apprends ma mort, déterre cette lettre et
remets-la à un prêtre », avait-il confié à l’enfant, faisant de lui son
complice. Et l’enfant, aujourd’hui adulte, empoigna sa pelle et se mit à
l’ouvrage.
    Accomplissait-il la volonté de frère Thomas en creusant
ainsi ? Ce message enseveli avait évité au chevalier une mort violente,
mais non de s’éteindre à cinquante-huit ans. Aurait-il encore souhaité aujourd’hui
le voir exhumé ? Merthin l’ignorait. Dans le doute, sa curiosité l’emporta
et il conclut qu’il en déciderait après en avoir pris connaissance.
    Il ne souvenait pas de l’endroit précis où il avait enfoui
cette lettre. Ayant retourné en vain un rectangle de terre sur une profondeur
de dix-huit pouces, il tenta sa chance ailleurs. La cachette n’était qu’à un
pied de profondeur. Cela, il s’en souvenait parfaitement.
    Il recommença donc à creuser, un peu plus à gauche.
    Au bout de quelques minutes, sa pelle rencontra une
résistance. Il déposa son outil et continua à mains nues jusqu’à mettre au jour
un objet souple en cuir moisi. L’ayant dégagé avec moult précautions, il
l’extirpa du sol : c’était bien la pochette que Thomas portait jadis à sa
ceinture.
    Merthin s’essuya les mains à sa tunique avant de l’ouvrir.
    À l’intérieur se trouvait une bourse en laine cirée au suif,
intacte. Il en délaça le cordon et en sortit un rouleau de parchemin scellé.
    Malgré la délicatesse infinie de ses gestes, le cachet de
cire s’effrita au premier contact. Merthin déroula le vélin qui se révéla en
parfait état de conservation nonobstant ces trente-quatre années passées sous
terre.
    Au griffonnage laborieux qu’il avait sous les yeux, Merthin
comprit d’emblée qu’il ne s’agissait pas là d’un document officiel calligraphié
par la main experte d’un moine, mais d’une lettre personnelle rédigée par un
noble instruit.
    Il se mit à lire :
    Du château de Berkeley, de la part d’Édouard, deuxième du
nom, roi d’Angleterre, à son cher fils aîné Édouard, par l’entremise de son
fidèle serviteur, sieur Thomas Langley. Royales salutations et amour paternel .
     
    Merthin prit peur. C’était un message de l’ancien roi au
nouveau. Les doigts tremblants, il releva les yeux de la lettre et scruta la
végétation alentour, comme si quelqu’un pouvait

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