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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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prévôt effectuait sa tache de vérification quotidienne
quand un charretier, qui venait de déposer son chargement devant les portes de
la ville, lui transmit le message que Madge était sur les remparts et
souhaitait lui parler ainsi qu’à David.
    Tout en traversant le pont, le jeune paysan s’enquit d’une
voix inquiète : « Croyez-vous qu’elle va m’acheter ma garance ?
    — Espérons-le ! » répondit Merthin qui n’en
savait pas plus que lui.
    Debout côte à côte devant les portes closes, ils levèrent la
tête. Se penchant par-dessus la muraille, Madge cria : « D’où
provient la marchandise ?
    — C’est moi qui l’ai fait pousser.
    — Qui es-tu ?
    — David, de Wigleigh, le fils de Wulfric.
    — Ah... Le garçon de Gwenda ?
    — Oui, son cadet.
    — J’ai essayé ta teinture.
    — Ça a marché ? lança-t-il avec une attente
anxieuse.
    — Elle est trop légère. Tu as moulu les racines
entières ?
    — Oui, j’aurais dû faire autrement ?
    — D’ordinaire, on les décortique avant de les broyer.
    — Je l’ignorais, balbutia-t-il, penaud. La couleur n’a
pas pris ?
    — Comme je le disais, elle n’est pas assez concentrée.
Je ne peux pas t’acheter ta marchandise au même prix que de la garance
pure. »
    La déception de David faisait peine à voir.
    « Tu en as beaucoup ?
    — Neuf sacs en plus de celui que je vous ai livré,
soupira le jeune homme, découragé.
    — Je te prends le tout à la moitié du tarif
habituel : trois shillings et six pence, ce qui fait quatorze shillings le
sac. Sept livres pour tes dix sacs. »
    En voyant le sourire radieux de David, Merthin regretta que
Caris ne soit pas là pour partager son bonheur.
    « Sept livres ! » répétait le négociant en
herbe.
    Le croyant déçu, Madge s’excusa : « Je ne peux pas
faire mieux. Ce n’est vraiment pas assez concentré ! »
    Mais sept livres, c’était une fortune pour David ! Et
plusieurs années de salaire pour un journalier payé au tarif actuel, qui avait
été revu à la hausse. « Me voilà riche ! » s’exclama-t-il en se
tournant vers Merthin.
    Celui-ci s’esclaffa : « Ne va pas tout dépenser
d’un coup ! »
    Le lendemain était un dimanche. Sur l’île, Merthin se rendit
à la messe dans la petite église dédiée à sainte Élisabeth de Hongrie, patronne
des guérisseurs. De retour chez lui, il alla prendre une grosse pelle en chêne
dans son appentis et franchit le pont qui joignait l’île à Villeneuve. Son
outil sur l’épaule, il traversa les faubourgs pour s’enfoncer dans son passé.
    Il voulait retrouver le chemin forestier qu’il avait suivi
trente-quatre ans plus tôt en compagnie de Caris, Ralph et Gwenda. Las, le pari
semblait impossible. Hormis les traces de cerfs, on ne distinguait plus l’ombre
d’un sentier. Les arbrisseaux étaient devenus de gros arbres et les beaux
chênes puissants avaient été abattus par les bûcherons du roi. Cependant, tous
les repères n’avaient pas disparu, découvrit-il avec bonheur. La source où
Caris s’était agenouillée pour se désaltérer jaillissait avec les mêmes
bouillonnements qu’autrefois ; l’énorme rocher dont elle avait dit qu’il
avait l’air d’être tombé du ciel était toujours à sa place, reconnaissable
entre tous, de même que le vallon marécageux aux pentes escarpées où ses
bottines s’étaient remplies de boue.
    À mesure qu’il s’enfonçait dans les bois, les souvenirs de Merthin
se faisaient plus précis : il se rappela qu’un petit chien les suivait,
Hop, le cabot de Gwenda, elle-même lancée à sa recherche. Il lui revint aussi
qu’il avait fait une plaisanterie que Caris avait comprise. Le temps d’un
instant, il en éprouva le même plaisir qu’alors. Il se remémora ensuite sa
maladresse quand il avait voulu tirer une flèche avec cet arc fabriqué de ses
mains. Échec d’autant plus cuisant que Ralph avait atteint ensuite sa cible à
chaque coup. Il en rougit encore aujourd’hui.
    Dans toutes ces scènes, l’image de Caris se détachait sur
celle des autres participants. La vivacité d’esprit de cette petite fille de
dix ans, son audace, l’aisance déconcertante avec laquelle elle avait pris la
tête de leur petit groupe l’avaient alors étonné et charmé. Ce n’était pas de
l’amour, mais une fascination qui n’en était pas très éloignée.
    À présent, Merthin ne reconnaissait plus rien autour de lui.
Il

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