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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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Caris insista :
« Nell n’a aucune idée de ce qu’elle raconte ! Elle invoque aussi
bien le diable ou les saints, la lune ou les étoiles. Ses paroles n’ont pas
plus de sens que l’aboiement d’un chien. La châtier reviendrait à pendre un
cheval parce qu’il a henni au passage du roi. »
    Manifester son dédain en s’adressant à un représentant de la
noblesse n’était pas chose prudente et Caris le savait, mais sa colère était
trop grande.
    Un murmure d’approbation s’éleva d’une partie de la foule,
enchantée à l’idée d’assister à un débat animé.
    « Vous avez entendu des témoins relater les dommages
qu’ils ont subis, suite à ses malédictions.
    — J’ai perdu un penny hier, riposta Caris. J’ai fait
cuire un œuf et il était pourri. Quant à mon père, il n’a pas fermé l’œil de la
nuit tellement il toussait. Pourtant, personne ne nous avait maudits. Dans la
vie, tout ne va pas toujours comme on le souhaiterait. »
    À ces mots, nombreux furent ceux qui hochèrent la tête d’un
air dubitatif. La plupart des gens se plaisaient à voir une influence maligne
derrière toute infortune, grande ou petite.
    Le prieur, qui connaissait les opinions de Caris pour avoir
déjà débattu avec elle, se pencha en avant. « Assurément, tu ne tiens pas
le Seigneur notre Dieu pour responsable de nos maladies, de nos malheurs et de
nos deuils ?
    — Non...
    — Qui l’est alors, s’il ne l’est pas ? »
    Caris rétorqua, imitant le ton précieux de son oncle :
« Assurément, vous ne croyez pas que tous nos malheurs dans la vie
relèvent exclusivement de Dieu ou de Nell la folle ? »
    Ignorant les liens de parenté unissant Caris et Anthony,
l’archidiacre Lloyd intervint brutalement : « Parle avec respect
quand tu t’adresses au prieur. » Un rire parcourut l’assistance : on
connaissait le caractère pincé du prieur et l’esprit rebelle de sa nièce.
    « Je ne crois pas que Nell soit dangereuse, conclut
Caris. Folle, certainement. Mais inoffensive. »
    Frère Murdo bondit soudain sur ses pieds.
« Monseigneur, gens de Kingsbridge, mes amis, lança-t-il de sa voix
sonore. Le Malin est partout parmi nous et nous invite à pécher, à mentir, à
nous vautrer dans la nourriture et dans la boisson, dans les vantardises et
dans la luxure. » C’était le genre de discours que la foule
appréciait : le ton rédhibitoire sur lequel le frère lai décrivait
les péchés appelait à l’imagination des scènes délicieuses. Il enchaîna d’une
voix de plus en plus forte : « Mais de même que le cheval ne peut
marcher dans la boue sans y laisser la trace de ses sabots, de même que la
souris ne peut se frayer un chemin sur une lisse motte de beurre sans y laisser
le souvenir de ses griffes, de même que le coureur de jupons ne peut abuser
d’une femme et déposer sa vile semence dans son ventre sans qu’elle ne se mette
à grossir, de même le Malin ne peut faire autrement que de laisser sa marque.
Il ne peut pas passer inaperçu ! »
    Et la foule de manifester son approbation par des cris. Tout
le monde comprenait l’intention du frère lai, Caris comme les autres.
    « Nous reconnaissons les serviteurs du Malin à la
marque qu’il laisse sur eux. Il aspire leur sang chaud comme un enfant
s’abreuve du lait délicieux des seins gonflés de sa mère. Et, comme l’enfant,
il lui faut une mamelle à téter : un troisième sein ! »
    Captivée, l’assistance buvait ses paroles, Caris s’en
rendait parfaitement compte. Il débutait chaque phrase d’une voix tranquille,
étouffée, qui enflait de plus en plus à mesure que s’ajoutaient les
comparaisons, et, ce faisant, il poussait à son paroxysme l’émotion de la foule
qui répondait à son discours avec ardeur, l’écoutant en silence aussi longtemps
qu’il parlait puis hurlant son approbation dès qu’il se taisait.
    « Et la marque du diable est de couleur foncée, striée
comme un mamelon. Elle forme une bosse sur la peau claire qui l’entoure. Elle
peut se trouver sur n’importe quel endroit du corps, parfois même dans la douce
vallée qui sépare les seins d’une femme, et son apparence imite cruellement
l’aspect normal. Mais le diable aime surtout la laisser dans les endroits les
plus secrets du corps : dans l’aine, sur les parties intimes,
notamment...
    — Merci, frère Murdo, le coupa l’évêque en haussant le
ton. Tout le monde a compris. Vous demandez à ce que

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