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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ensemble abriterait l'optique d'Augustin Fresnel et la source lumineuse alimentée par des brûleurs à acétylène.
     
    Le jeune homme put, à cette occasion, prouver que l'enseignement reçu au Massachusetts Institute of Technology portait ses fruits. Pour hisser les éléments de la coupole, le mécanisme de rotation de la lampe à huit panneaux dioptriques et le générateur d'acétylène, Charles Desteyrac utilisa un palan de marine à deux poulies, muni d'un engrenage démultiplicateur. Fixé à une poutre, au faîte de la tour, cet engin devait permettre aux ouvriers manœuvrant le cordage, que les marins nommaient garant, de lever, sans grands efforts, tous les éléments constitutifs du phare.
     
    L'assemblage prit des semaines et les Desteyrac, père et fils, y passèrent leurs journées, heureux de travailler ensemble. Le soir, ils arrivaient exténués chez lady Lamia qui, souvent, les hébergeait. Après avoir gravi vingt ou trente fois dans la journée l'escalier intérieur du phare, dont les marches rayonnantes n'étaient provisoirement fixées qu'à la seule paroi intérieure de la tour afin de laisser libre la cage par où montaient matériel et outils, les deux hommes ne souhaitaient que se détendre et prendre du repos. Près de Fish Lady, ils retrouvaient Ottilia, toujours soucieuse de leur bien-être. Dans la journée, la fille du lord tenait une infirmerie improvisée pour les ouvriers du chantier, marins empruntés aux équipages et manœuvres indigènes. Elle pansait avec plus de gentillesse que d'habileté mains meurtries, coupures, égratignures et ecchymoses. Après un dîner roboratif, préparé par Ma Mae, les soirées se passaient en conversations au cours desquelles on commentait les nouvelles publiées par les journaux livrés chaque semaine par le bateau-poste.
     
    C'est ainsi que, fin avril, tous prirent connaissance du dernier recensement bahamien. L'archipel comptait quarante-trois mille cinq cent vingt et un habitants, dont la plupart vivaient à New Providence, Grand Bahama, Eleuthera et Cat Island. The Nassau Guardian , qui publiait ces chiffres, révélait avec retard l'assassinat, le 13 mars 1881, à Saint-Pétersbourg, du tsar Alexandre II, en même temps que le procès et l'exécution de ses assassins nihilistes. Quatre hommes et une femme avaient été pendus le 16 avril. Une autre femme, âgée de vingt-six ans, elle aussi condamnée à mort mais se trouvant enceinte, ne serait « exécutée qu'après sa délivrance », précisait le journal. Cette phrase suscita l'indignation de tous.
     
    – Quelle vie aura l'orphelin ? lança Otti.
     
    – Si je n'étais pas si vieille, je l'adopterais, dit Lamia.
     
    Quelques mois après que le souverain le plus autoritaire eut été tué par une bombe, le président de la plus démocratique des républiques tomba sous l'arme d'un solliciteur éconduit. James Abraham Garfield, qui avait inauguré, le 4 mars, son mandat de vingtième président des États-Unis, attendait, le 2 juillet 1881, à la gare de Long Branch, station balnéaire huppée du New Jersey, le moment de monter dans le train pour Washington, quand un homme lui avait tiré deux coups de pistolet dans le dos. Transporté à Elberon, au Franklyn Cottage, il était encore aux mains des médecins, dont le pronostic semblait réservé, une balle s'étant logée dans la colonne vertébrale 1 . Le meurtrier, Charles J. Guiteau 2 , expliqua que le président avait refusé de lui attribuer le poste qu'il sollicitait dans l'administration fédérale.
     
    Pacal, qui, ce soir-là, avait donné lecture de l'événement, le commenta en connaisseur des mœurs politiques américaines.
     
    – Le geste de cet assassin est sans doute imputable à ce qu'on appelle aux États-Unis le Spoil System , c'est-à-dire le droit au parti qui vient de gagner une élection d'octroyer des places dans l'Administration à ses militants et amis. L'électeur qui a tiré sur Garfield espérait peut-être un geste de reconnaissance du parti républicain, précisa Pacal.
     
    – On a attribué à Andrew Jackson cette prérogative, pour un président élu, de mettre en place dans l'Administration ses partisans dévoués. Au lendemain de sa prise de fonctions, en 1829, il avait licencié deux mille fonctionnaires pour les remplacer par des hommes à lui, précisa Charles.
     
    – Bien avant Andrew Jackson, le président Thomas Jefferson avait inauguré un système qui n'avait pas

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