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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de ses années de mer, avait connu sur les baleiniers, parfois dans un nid de pie balancé au bout d'un mât et dépourvu de toute protection, bien des moments plus dangereux, se déclara aussi à l'aise qu'un amiral sur la passerelle d'un croiseur.
     
    Vint le jour de décembre où Pacal put enfin annoncer à son grand-père, duquel il s'était un peu éloigné pendant les travaux, qu'on pouvait prévenir le représentant de l'Imperial Lighthouse Service dans les West Indies que le phare du Cabo del Diablo allait entrer en service régulier.
     
    – Le temps que ce fonctionnaire de l'Amirauté, en résidence à la Jamaïque, soit atteint par notre message et arrive ici, mieux vaut ne pas prévoir avant février 1882 la cérémonie d'inauguration, que je veux parfaite. Je dois aussi convier le gouverneur et les membres de la General Assembly , dit lord Simon.
     
    Jusqu'à ce jour, agacé par la durée de travaux dont il n'avait évalué ni l'importance ni la difficulté, Simon Leonard Cornfield avait fait mine de se désintéresser du phare en cours de construction sur l'îlot de sa sœur. On ne l'avait pas vu depuis plus d'un an sur le chantier et, quand il demandait à Charles Desteyrac : « Où en est votre phare ? », en insistant sur le possessif, c'était manière de dissimuler son impatience sous une question de pure courtoisie.
     
    Dès qu'informé de l'achèvement d'une installation projetée depuis près de dix ans et dont la réalisation avait pris cinq années, lord Simon voulut se rendre à Buena Vista. Pacal fit atteler la calèche, car le vieil homme ne montait plus à cheval, et c'est au grand trot que tous deux prirent la route du sud. Charles s'attendait à cette visite et ne fut pas étonné de voir le lord gravir, en soufflant comme un bœuf et en marquant un arrêt toutes les cinq marches, l'escalier du phare. Arrivé dans la lanterne, le visiteur accepta le siège aussitôt proposé par le gardien, Peter Guest.
     
    Quand on lui eut expliqué le fonctionnement de la lampe, dont les grandes lentilles à échelons concentriques brillaient comme des disques de cristal, le vieillard ne cacha pas sa satisfaction. Prenant les deux mains de Charles dans les siennes, il remercia l'ingénieur d'une voix émue.
     
    – Tous les phares ont un nom. On ne va tout de même pas l'appeler le phare del Diablo… ça ferait trop plaisir à ma sorcière de sœur ! Comment allons-nous le nommer ? Hein, mes amis, avez-vous une idée ? demanda-t-il, du ton de celui qui a une proposition à formuler.
     
    – Je voudrais que vous lui donniez le nom de ma mère, Ounca Lou Lighthouse. Ne serait-ce pas un beau nom, imprimé sur les cartes marines ? proposa Pacal sans attendre.
     
    – Ah, mon garçon, c'est exactement à elle que je pensais. Lui dédier cette lumière me paraît juste, dit Cornfield, se tournant vers son gendre pour quêter un avis.
     
    – Pacal et moi avions décidé ensemble de vous proposer le nom d'Ounca, confirma Charles.
     

    Le 15 février 1882, l'inauguration du phare devait rester un jour marquant dans l'histoire de Soledad. Reçus d'abord à Cornfield Manor, les invités furent transportés au sud de l'île par le chemin de fer dont les wagons-plates-formes, habituellement affectés au transport des marchandises, avaient été pourvus de sièges capitonnés et de dais de toile. Tous franchirent, à pied, le pont de Buena Vista, repeint spécialement pour l'occasion en bleu azur. Les plus âgés se souvinrent qu'ils l'avaient inauguré en octobre 1856, ainsi qu'en attestait une inscription. Une plaque rappelait aussi qu'en ce lieu, lors du grand ouragan de 1866, Ounca Lou Desteyrac, Eliza Colson et le major Edward Carver avaient rencontré la mort.
     
    Autour de lord Simon en habit – il portait en écharpe le Royal Blue , ruban bleu du très noble ordre de la Jarretière 4  –, l'officier de l'Imperial Lighthouse Service et les membres de la General Assembly se réunirent au pied du phare, où lady Lamia avait tenu à les accueillir.
     
    Le représentant du Colonial Office excusa l'absence du nouveau gouverneur. Gallaghan, installé en 1881, était tombé gravement malade après une tournée dans les îles extérieures. Transporté à New York, il venait d'y mourir. Son successeur désigné, Charles Cameron Lees, n'était pas encore arrivé. Lord Simon et les Bahamiens regrettèrent d'autant plus ce retard que le nouveau représentant de Sa Très Gracieuse Majesté

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