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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Pacal.
     
    – De tout ce que la mer apporte, mon garçon. Sous le règne de George, le premier lord Cornfield, mon trisaïeul, les insulaires se sont mis aux cultures vivrières, là où la couche de terre qui recouvre le socle corallien est assez épaisse pour qu'on y plante, mais nos insulaires ne sont pas pour autant devenus des cultivateurs. Ils sont restés gens de mer. Ceux qui naviguent au commerce, ceux qui se sont exilés aux États-Unis reviennent finir leurs jours ici. Ils n'ont aucune peine à se débarrasser des habitudes de la ville, des attributs de la civilisation machiniste, des produits du progrès. Ils les quittent comme on quitte un vêtement qui a fait bon usage, un temps, mais est devenu inutile. Nos pêcheurs, que tu as vus en Floride, reviendront, eux aussi, conclut lord Simon.
     
    La nuit étant avancée, le vieil homme donna le signal du coucher.
     
    – Demain, j'aimerais te parler d'une affaire qui me tient à cœur, dit-il.
     
    – Demain, certes pas. Je vais être absent pour une dizaine de jours. Une série de matches de polo à Nassau. Je suis engagé dans l'équipe de la Navy, avec Andrew Cunnings, le second du Phoenix II et nous devons prendre demain le bateau-poste. J'espère trouver mes poneys en bonne condition. Ils sont en pension dans les écuries du gouverneur, révéla Pacal.
     
    – Alors, je te parlerai à ton retour, dit lord Simon un peu déçu par le contretemps.
     

    Le vent d'est faisait bruire les pennes des palmiers, annonçant peut-être ce que les marins nommaient « une monstrueuse risée », quand Pacal se mit en selle pour regagner Malcolm House.
     
    Chemin faisant, il ne put détacher sa pensée du grand-père qu'il venait de quitter. À ses yeux, lord Simon avait eu un destin antique, en ce sens qu'il avait su régenter la société insulaire avec sagesse et autorité. Sa sœur Lamia ne l'avait-elle pas comparé, quelques jours plus tôt, à Périclès administrant Athènes ! Il avait fait de Soledad un modèle de civilisation coloniale, acceptable et acceptée. Il est rare que les colonisés respectent et aiment un colonisateur autocrate, or Simon Leonard Cornfield avait réussi cette gageure d'être un autocrate aimé et respecté. Cela tenait à son habileté dans la conduite des affaires, à la manière qu'il avait de prendre les hommes tels qu'ils sont et les inciter, plus que les contraindre, à donner le meilleur d'eux-mêmes à la communauté. Au fil des ans, il s'était délesté des illusions à la Jean-Jacques Rousseau de sa jeunesse et s'en trouvait fort bien.
     
    Dans ses rapports avec les autres, il savait faire la part de l'hypocrisie, de la bassesse, de l'envie, de la jalousie, de la cupidité des uns, défauts qu'il admettait comme contrepoids négatifs à la sincérité, à la grandeur, à la générosité, au dévouement, au courage des autres. Sa tactique sociale consistait à traiter tout un chacun comme s'il avait foi en lui, sans se laisser influencer par ce qu'on en disait. « Ah tiens, par exemple ! » lui tenait lieu de réponse aux provocations verbeuses. Son impassibilité déconcertait les bavards et les commères et l'on devinait, quels que soient les arguments qu'on lui présentât, que seule son opinion s'imposerait. Parmi les mots prêtés à la reine Victoria, il avait retenu cette réflexion de la souveraine : « Il y a les gens que je connais et les Esquimaux. » Pour Simon Leonard Cornfield, les Esquimaux étaient, de loin, les plus nombreux !
     

    Deux jours plus tard, à Nassau, à la fin du premier match de polo, alors que les lads conduisaient les poneys harassés aux écuries, Pacal, le front et le torse ruisselants de sueur, se dirigea vers le vestiaire avec ses équipiers. La rencontre avec les cavaliers du Colonial Office, maintenant bien entraînés, avait été rude. La victoire avait coûté au jeune Desteyrac-Cornfield un coup de maillet au tibia, que la botte avait heureusement amorti. Un peu claudicant, il éluda les congratulations des officiels et des supporters de la Navy, mais ne put éviter une jeune femme souriante, qui lui barra le chemin en lui tendant une serviette.
     
    – Tiens ! Je vous reconnais. Vous avez déjà eu pour moi ce même geste, il y a…
     
    – … cinq ans, lança-t-elle d'une voix claire.
     
    – Cinq ans ! Non ! Vous dites cinq ans ? s'étonna-t-il.
     
    – Je n'ai donc pas beaucoup changé, pour que vous m'ayez reconnue si aisément. Il y a

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