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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cinq ans, vous m'aviez à peine regardée, comme si je vous importunais.
     
    – Vous étiez alors une très jeune fille. Aujourd'hui, vous êtes une femme et même une jolie femme, si vous acceptez que je vous le dise, mademoiselle.
     
    – Madame. Car je suis mariée.
     
    – Heureux mortel que votre époux, madame, insista Pacal, marquant l'intention de poursuivre son chemin.
     
    – Jouez-vous encore demain, monsieur Desteyrac-Cornfield ? demanda-t-elle.
     
    – Oui. Et ce sera plus difficile qu'aujourd'hui. Les officiers du First West Indies Regiment auront des chevaux frais. Au revoir, madame. Au fait, vous connaissez mon nom, mais j'ignore le vôtre.
     
    – Ferguson, née Liz Horney, mais vous pouvez m'appeler Lizzie, comme tous mes amis.
     
    – Alors, au revoir Lizzie, conclut Pacal en s'éloignant résolument.
     
    L'entretien avait, à son gré, un peu trop duré.
     
    Elle le suivit des yeux, tandis qu'il marchait vers la tente qui abritait le vestiaire. Pacal sentit l'onde de ce regard de femme sur ses épaules et en fut aussi flatté qu'amusé.
     
    –  God'dam ! Qu'elle est belle, votre admiratrice ! lui lança Cunnings qui, demi nu, s'aspergeait d'eau fraîche.
     
    – Pas mal, en effet, concéda Pacal en se déshabillant.
     
    – Elle n'aurait pas une sœur ou une amie qui pourrait m'apporter une essuette brodée, comme celle-ci.
     
    Pacal réalisa qu'il avait conservé la serviette et découvrit qu'elle portait les initiales L.H. entrelacées.
     
    – Elle a peut-être une sœur et certainement des amies, mais je crains, mon cher, que toutes ne soient, comme elle, mariées à des fonctionnaires ou à des négociants. C'est assez le genre de mari que je leur vois.
     
    – Les femmes mariées, il n'y a que ça de bon pour les célibataires, sir . Le soir, elles rentrent chez elles. Elles sont sources de plaisir sans conséquences fâcheuses.
     
    – Sources de plaisir, parfois avec conséquence plus que fâcheuses, Andrew, rectifia Pacal.
     
    Au Royal Victoria Hotel, où il descendait lors de ses séjours à Nassau, le concierge lui remit un pli déposé à son nom. L'enveloppe contenait une invitation à la conférence que donnait, le soir même, au théâtre de Shirley Street, sir George Strong Nares 7 , célèbre explorateur écossais, dont la corvette Alert , en route pour une croisière dans les mers du sud, faisait escale à Nassau. Le récit des aventures de l'explorateur et l'annonce de ses projets seraient certainement intéressants. Et la pensée de revoir cette Lizzie, qui ne manquait pas d'audace, ne lui déplaisait pas.
     
    Depuis des mois, Pacal ne connaissait, lors de ses escapades à Nassau, que les plaisirs tarifés des femmes, le plus souvent haïtiennes, qui composaient le gratin de la prostitution tolérée. Laissant les bars aux filles à matelots, ces professionnelles déposaient leur carte chez le concierge du Royal Victoria Hotel, et recevaient dans leur appartement, souvent meublé avec goût. Sur leur carte était précisée leur couleur : «  White  », «  Colored  », «  Octoroon  ». Certaines ajoutaient : «  Officers only  » ou : «  Gentlemen only  », ainsi que cela se pratiquait à New Orleans, d'où venaient la plupart d'entre elles. Ces filles, en général bien élevées, ne manquaient ni de charme ni de savoir-faire. Pour les célibataires peu enclins aux liaisons dans une ville où tout se savait en quarante-huit heures, elles constituaient l'exutoire le moins risqué.
     
    Même si l'épilogue tragique de son aventure avec Viola le retenait de toute relation avec une femme mariée, Lizzie Ferguson l'attirait. Le flirt avait aussi des agréments et la jeune femme délurée avait réveillé chez Pacal le goût de la conquête, jeu dont il saurait se retenir de ramasser la mise.
     
    Petite, mince, luronne de race, d'une éblouissante blondeur, regard pervenche, rieur, lèvres gourmandes, teint de porcelaine, rare sous les tropiques, répartie vive, elle inspirait un franc désir dénué de chatteries. Pacal se promit, avant de répondre à ses avances flagrantes, de s'informer sur le mari.
     
    Dans la salle du petit théâtre, il se trouva placé au parterre, loin de Liz Ferguson, qu'il aperçut dans la meilleure loge, en compagnie d'une dame âgée, qu'il supposa être la mère de Lizzie. Il sut bientôt que cette dernière l'avait repéré grâce à ses jumelles et, quand leurs regards se croisèrent, elle lui

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